LR et la droite européenne : histoire d’une fracture

LR et la droite européenne : histoire d’une fracture

Ce sera, pour LR, un mauvais moment à passer, un de plus. Les 6 et 7 mars, le parti d’Eric Ciotti participera au congrès du Parti populaire européen, qui apportera son soutien à Ursula Von der Leyen pour un second mandat à la présidence de la Commission européenne – elle sera donc la cheffe de file de la droite européenne pour les élections de juin. Sauf que François-Xavier Bellamy a annoncé que lui ne se rangerait pas derrière Ursula von der Leyen. Voilà qui ne va pas contribuer à clarifier la ligne politique de la droite française.

“La seule chose qu’on assume dans cette commission, c’est Thierry Breton, confie la tête de liste. En 2019, le PPE avait gagné, Manfred Weber était notre candidat mais c’est Emmanuel Macron qui avec Viktor Orban empêche ce scénario. Ursula Von der Leyen ne savait pas trois semaines auparavant qu’elle jouerait un rôle dans les institutions européennes !”

La liste des reproches est longue, au premier rang desquels figure l’attitude sur le fameux dossier agricole, qu’elle n’avait pas même évoqué lors de son discours d’investiture il y a cinq ans. “L’Union européenne a été dominée, pendant le mandat qui s’achève, sur les sujets agricoles en particulier, par une majorité qui allait finalement de l’extrême gauche aux élus macronistes”, dénonce-t-on à LR. “La soutenir serait un cadeau inestimable à Jordan Bardella”, ajoute un eurodéputé du parti.

Cela s’appelle faire de la politique. “Nous allons mettre en scène notre désaccord avec elle, mais sans avoir de candidat alternatif, explique un dirigeant de LR. C’est un coup de gueule de notre part, qui ne nous empêchera pas de l’avoir dans les pattes : on nous dira qu’elle est de notre formation et nous parlerons à Bardella de l’AfD [NDLR, le parti allemand d’extrême droite, qui figure dans son groupe]. Chacun aura son boulet.”

Il faut toutefois mesurer le caractère historique de ce choix. En 2001, le RPR, à l’initiative de Nicolas Sarkozy, rejoint le PPE, avant que, l’année suivante, l’UMP, qui regroupe en son sein le RPR et l’UDF et incarne donc la droite française, ne fasse de même. Cette année, sur une décision majeure voire existentielle, LR rompt avec le PPE et rompt avec ce qui fut longtemps son parti frère, la CDU. “J’ai assisté à des rencontres franco-allemandes avec Ursula Von der Leyen, raconte l’ancien ministre Dominique Bussereau. Elle était vraiment la préférée d’Angela Merkel, la chancelière qui fut la partenaire de Jacques Chirac comme de Nicolas Sarkozy.”

Un tournant ? Quel tournant ? Chez les Républicains, on minimise. Geoffroy Didier a dirigé la campagne des européennes de LR en 2019. Il se souvient : “Je devais à ce titre surveiller ce que le PPE écrivait dans son manifeste. Je suis allé à Bruxelles à plusieurs reprises dire notre désaccord total avec des options fondamentales du PPE, comme sa volonté de mettre en place une armée européenne ou de poursuivre l’élargissement de l’Union. Les partis politiques européens auxquels les partis nationaux adhèrent sont plus un corpus de valeurs qu’un tissu programmatique.”

Est-ce à dire que LR malgré sa faiblesse, cherchera demain à bâtir d’autres types d’alliances au sein du Parlement européen, comme le RPR en son temps, se condamnant à la marginalité ? François-Xavier Bellamy souhaite après le scrutin de juin “un grand moment de recomposition”. “Nous ne sommes pas en marge, mais sur les côtés. On ne remet pas en cause notre appartenance au PPE, on veut peser en son sein”, tempère un sortant.

La poutre travaille à Bruxelles et à Strasbourg. Car il est un point où le raisonnement de LR est imparable : Ursula Von der Leyen sera de fait soutenue par les macronistes. “Elle a signé son crime car elle s’est rendue au campus de Renaissance à Bordeaux en septembre 2023, souligne un élu de droite. Elle est issue du PPE comme Bruno Le Maire de LR : cela ne veut pas dire que les options qu’elle met en œuvre sont conformes à ce que nous souhaitons.” C’est donc, en toute logique, l’Elysée qui prend sa défense. “Elle n’a failli ni sur le Covid, ni sur Ukraine, rappelle un conseiller d’Emmanuel Macron. La Commission de Bruxelles a été un partenaire. Oui, on a des points de divergences, qui vont parfois jusqu’au bras de fer parfois, mais jamais nous ne dénoncerons l’Europe.” Cela fait belle lurette que la construction européenne ne fait plus rêver, et la campagne à venir peinera à inverser la tendance.

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