Macron-Attal, la gauche, LR : ce que les européennes peuvent changer (ou pas)

Macron-Attal, la gauche, LR : ce que les européennes peuvent changer (ou pas)

Cela s’appelle un coup d’épée dans l’eau. En 2014, les élections européennes ont lieu 56 jours après l’arrivée de Manuel Valls à Matignon. Après des municipales désastreuses pour la gauche en mars, Jean-Marc Ayrault a tenté de convaincre François Hollande de le conserver jusqu’au scrutin de juin, mais le président socialiste a préféré tout changer, escomptant un regain pour l’exécutif. “Valls est très populaire à l’époque place Beauvau, c’est le Gabriel Attal de l’Intérieur en quelque sorte”, se souvient-il.

A l’arrivée, l’incidence du changement de chef de gouvernement sur le résultat des européennes est nulle : Marine Le Pen triomphe aux européennes avec près de 25 %, et le PS emmené par Jean-Christophe Cambadélis réalise un score jugé à l’époque catastrophique : moins de 14 %. Et que se passe-t-il ensuite au sommet de l’Etat ? Rien ne change ou presque, le quinquennat se poursuit comme avant.

La vie nationale a une influence sur les résultats des européennes, mais les européennes ont-elles une influence sur la vie nationale ? Cette année, comme Jean-Marc Ayrault en son temps, Elisabeth Borne a, jusqu’à la dernière minute, essayé de persuader Emmanuel Macron de prolonger son bail au moins jusqu’en juin, elle lui a proposé de modifier amplement l’architecture comme la composition de son gouvernement. Le président ne l’a pas écoutée. Gabriel Attal est arrivé à Matignon exactement cinq mois avant le scrutin et, pour le moment, cela n’a entraîné aucun changement dans le rapport de force tel que le mesurent les sondages. Le RN fait largement la course en tête, en voulant nationaliser au maximum le scrutin. “Ces élections marqueront le jour 1 de l’alternance”, disait-il dimanche : Jordan Bardella promet déjà de demander la dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juin au soir s’il arrive en tête – Marine Le Pen est beaucoup moins pressée de le suivre sur ce terrain.

Un moment délicat à passer

De son côté, Gabriel Attal tente de ne pas donner prise à une trop forte nationalisation de la campagne, c’est pourquoi il refuse, par exemple, de débattre avec la tête de liste RN. L’agenda gouvernemental est calé pour respecter le principe de base de cette élection : mobiliser son propre électorat sans surmobiliser celui de l’adversaire. La réforme de l’assurance chômage ou le projet de loi sur la justice des mineurs seront discutés avant le 9 juin, tandis que la réforme de la fonction publique, par exemple, attendra l’été.

Sauf séisme, Gabriel Attal devrait poursuivre son bail à Matignon, seul le climat au sommet de l’Etat sera différent selon que le résultat est excellent, bon, mauvais ou catastrophique. Les institutions de la Ve permettent généralement à l’exécutif d’enjamber les élections européennes, même si c’est un moment délicat à passer. Ce fut le cas, on l’a vu, en 2014, ce fut aussi le cas en 2019 : alors que la majorité présidentielle est devancée, certes de justesse, par l’extrême droite, le gouvernement d’Edouard Philippe poursuit son petit bonhomme de chemin.

Il arrive que le président profite d’une heureuse surprise pour mettre en scène un rebond. En 2009, Nicolas Sarkozy attend les résultats des européennes avant d’aller s’exprimer pour la première fois comme président de la République devant le parlement réuni en Congrès à Versailles (c’est l’une des conséquences de la réforme constitutionnelle de l’année précédente). Il y lance l’idée d’un grand emprunt national. Le lendemain, il remanie un peu son gouvernement : une certaine Rachida Dati quitte la Chancellerie après son élection au parlement de Strasbourg – c’est Nicolas Sarkozy qui a voulu qu’elle soit candidate. Et le chef de l’Etat réussit un coup médiatique, à la Culture (décidément) : il y nomme Frédéric Mitterrand.

Gare aux illusions d’optique

Mais il ne faut surtout pas penser que les européennes sont des élections sans enjeu national. Elles ont déjà fait des morts, c’est même arrivé assez souvent. En 1994, Michel Rocard, qui vise la succession de François Mitterrand, ne se relève pas de son fiasco, notamment provoqué par la liste Tapie : il ne sera pas candidat à l’Elysée en 1995. En 2019, Laurent Wauquiez doit démissionner de la présidence de LR après l’échec Bellamy et il sera obligé de passer son tour à la présidentielle de 2022.

Si le scrutin peut aussi faire des heureux, gare aux illusions d’optique. Plus dure sera la chute, les Verts en sont les spécialistes. Dernier exemple en date, Yannick Jadot obtient 13,5 % aux européennes en 2019, il est le troisième homme. A la présidentielle suivante, en 2022, il est sous la barre des 5 %.

Cette fois, l’enjeu est important pour la droite comme pour la gauche. La première doit savoir comment et avec qui elle entre dans la bataille de la présidentielle de 2027 – Laurent Wauquiez, Edouard Philippe, Xavier Bertrand et même Valérie Pécresse seront attentifs aux résultats ; la seconde doit se réorganiser entre ses pôles insoumis et réformateur, le sort et l’avenir des socialistes peuvent dépendre de la performance de Raphaël Glucksmann. Des enjeux qui inciteront les électeurs à se déplacer ? En 2019, pour la première fois, la participation aux européennes a été supérieure à celle des législatives de 2022.

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