Marie-José Pérec sur Paris 2024 : “Je rêverais qu’on fasse appel à moi pour allumer la flamme”

Marie-José Pérec sur Paris 2024 : “Je rêverais qu’on fasse appel à moi pour allumer la flamme”

“Il ne s’agit pas simplement d’allumer une flamme. Le 26 juillet au soir, à Paris, la France va s’adresser au monde. Qu’avons-nous à dire ? Quels messages, quels symboles livrerons-nous ? A l’heure où j’écris ces lignes, je ne sais pas qui allumera la flamme olympique au terme d’une cérémonie extraordinaire comme les Jeux n’en ont jamais connue dans l’histoire moderne. Mais j’adorerais qu‘on fasse appel à moi !

J’ai un souvenir à jamais ancré dans ma mémoire. Mohamed Ali en 1996 à Atlanta : tee-shirt, jogging et basket blancs, le visage bouffi, le regard trahissant difficilement la souffrance. La légende vivante de la boxe se tient debout, digne, ne cachant rien de la maladie de Parkinson qui le ronge. La nageuse américaine Janet Evans a fait un premier tour de stade avec le flambeau, puis en remontant une large rampe, elle s’arrête soudainement.

Mohamed Ali apparaît et électrise le stade. La main droite accrochée au flambeau comme à une bouée de sauvetage, son bras gauche tremblant. Les spectateurs scandent son nom. Il fait quelques pas, se tourne lentement et abaisse la torche qui embrase en quelques secondes le réceptacle de la flamme. Et moi, je suis là, le corps tremblant, les larmes aux yeux, le cerveau entièrement happé par ce qui se déroule sous mes yeux. Aux Jeux d’Atlanta, je suis porte-drapeau de l’équipe de France. Et dans ce stade bondé de 85 000 personnes, endeuillé la veille par un attentat qui a fait deux morts et des centaines de blessés, je pense soudainement à “Mémère”, ma grand-mère qui a bercé toute mon enfance. Elle était dingue de Mohamed Ali. En 1974, elle nous avait appelés en urgence, moi, mes frères et mes cousins, pour suivre en direct à la radio le match qui l’opposa à George Foreman à Kinshasa. J’avais six ans.

Vingt-deux ans plus tard, à Atlanta, celui que je considère comme le plus grand sportif de tous les temps, se tient à quelques dizaines de mètres de moi. Ce soir-là, dans la ville de Martin Luther King, sa présence, incertaine jusqu’à la dernière minute en raison de son état de santé, incarne la lutte pour les droits civiques et contre le racisme. Durant ces Jeux, il récupérera sa médaille d’or gagnée à Rome en 1960 et jetée quelques années plus tard dans une rivière après qu’on a refusé de le servir dans un restaurant réservé aux Blancs.”

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