Mars 2029, Poutine décide l’impensable : « Une arme nucléaire tactique envoyée depuis la Biélorussie… »

Mars 2029, Poutine décide l’impensable : « Une arme nucléaire tactique envoyée depuis la Biélorussie… »

Qui aurait pu imaginer, en décembre 2021, l’invasion russe en Ukraine ? Un an auparavant, l’assaut du Capitole ? Pour parer aux menaces qui nous entourent, le ministère des Armées travaille depuis de nombreuses années sur des scénarios d’entrée en guerre de la France. Plusieurs structures – du centre de planification de conduite des opérations au centre de doctrine (CPCO) et d’enseignement du commandement (CDEC) sont même dévolues à ce travail de prospective. Depuis trois ans, les états-majors des armées financent aussi l’Observatoire des conflits futurs, qui rassemble un consortium de recherches sur les menaces d’ici à 2040, dirigé à la fois par la Fondation pour la recherche stratégique (FRS) et l’Institut français des relations internationales (Ifri). La célèbre Red Team, composée de chercheurs et d’écrivains, prépare pour l’armée des réflexions d’anticipation à l’horizon 2060.

Alexandra Saviana, journaliste à L’Express, a passé un an auprès de ces stratèges chargés d’imaginer, les combinaisons les plus dévastatrices. Elle signe, ce 16 mai, Les Scénarios noirs de l’armée française (Robert Laffont), une plongée dans les 11 conflits catastrophes qui guettent les forces tricolores d’ici à 2030. Appuyés par les analyses de 106 experts, ces récits d’engrenages guerriers nous font découvrir les « chemins mentaux » des grandes puissances – l’expression est d’Antoine Bourguilleau, officier traitant à la cellule jeu de guerre du CDEC. Cet ouvrage fait suite à un dossier éponyme paru en mars 2023 dans L’Express, dans lesquels des scénarios avaient été élaborés d’après les suggestions de nos témoins, la loi de Murphy, ingénieur et militaire américain : « Tout ce qui est susceptible d’aller mal ira mal. » Russie, Chine, cyber, djihadisme… Comme dans le précédent dossier de L’Express, la majorité des onze hypothèses recoupent celles sur lesquelles se penchent les armées. Il ne s’agit aucunement de prévisions, mais d’un travail de prospective.

Scénario 1 – Des militaires algériens ciblent Toulon

Scénario 2 – Israël pilonne l’Iran, la France prise dans l’engrenage

Scénario 3 : la Russie envahit les pays Baltes

Cette année-là, le printemps tarde à montrer le bout de son nez à Narva, en Estonie. Les températures sont descendues à -7 °C la nuit dernière. Le froid garde les 53 000 habitants de cette ville moyenne bien à l’abri. Il est 3h15 du matin. Seul un groupe d’une dizaine de fêtards hurle dans l’obscurité, vétérans d’une nuit qui refuse de se terminer. L’un d’entre eux s’attarde sur les quais du fleuve qui sépare l’Europe de la Russie. Dans les brouillards de l’alcool, il contemple la forteresse médiévale d’Ivangorod. Juste en face, de son côté, le fort d’Hermann lui répond, comme un reflet inversé.

[…] Quand l’homme regarde à nouveau la forteresse d’Ivangorod, il a l’impression que son estomac chute de plusieurs étages. Des dizaines de bataillons de soldats de l’Armée rouge sont apparus de l’autre côté du fleuve. Des chars T‐14 Armata et T‐80, dont la production a été relancée ces dernières années, s’apprêtent à affronter les troupes de l’Otan.

Cette fois, il est tout à fait réveillé. Un cauchemar en accéléré se déroule sous ses yeux. L’armée russe, profitant de quelques années de répit, a reconstitué ses troupes. « Le temps de reconstitution envisagé pour l’armée russe est de quatre à cinq ans, note Camille Grand, secrétaire général adjoint pour l’investissement de défense à l’Otan de 2016 à 2022, aujourd’hui chercheur à l’European Council on Foreign Relations (ECFR). Il ne faut jamais oublier que, dans le conflit ukrainien, c’est avant tout l’armée de terre qui a été fortement diminuée. Ni ses moyens aériens ni ses moyens maritimes ne sont trop entamés. Ses moyens spatiaux, cyber, nucléaires ne le sont pas du tout. Il est loin d’être écrit que l’armée russe soit hors jeu pour une décennie. » […]

Les forces russes progressent

Côté lituanien, des bataillons biélorusses se mettent également en ordre de marche. Les troupes russes progressent rapidement en Estonie, combattant des forces de l’Otan affaiblies par le départ des Américains quelques mois plus tôt. […]

En France, les éditions spéciales s’enchaînent, les experts militaires et diplomatiques défilent en plateau. On veut encore croire à une possibilité de désescalade. Les fuites récentes dans la presse américaine – qui décrivaient un Poutine plus affaibli que jamais – laissent croire à une action éclair et désespérée du Kremlin. Mais, à Bruxelles, on se rend vite à l’évidence : Moscou, profitant de l’indifférence de Washington, vient de déclarer la guerre à l’Europe. […]

Contre toute attente, favorisées par l’effet de surprise, les forces russes progressent. 22 divisions russes se sont positionnées au cours des derniers jours dans la région. L’Otan décide l’application de l’article 5, mais les alliés voient avec épouvante Washington hésiter, promettant des armes, mais refusant d’affirmer la venue immédiate des boys américains. La Force de réaction de l’alliance (NRF) est néanmoins mobilisée : au petit matin de l’invasion, l’état‐major de l’Otan prévoit le déploiement en quarante‐huit heures de 13 000 hommes sur le terrain. Ses divisions se dirigent vers la frontière entre la Lituanie et la Pologne pour tenter de ralentir l’avancée des Russes et Biélorusses sur leur flanc sud. […]

Intervention de Washington

Au 20 Heures, dans une allocution réalisée en direct depuis l’Elysée, le chef de l’Etat adopte un ton martial. « La France doit se montrer à la hauteur du moment historique, dit-il. Nos alliés attendent que nous prenions nos responsabilités. L’heure est grave, mais l’unité européenne sortira grandie de cette épreuve. » Dans la foulée, le président annonce la mobilisation de 15 000 hommes dans le conflit, et la mise en alerte de la réserve opérationnelle des armées. […]

Au cœur de la nuit, les premiers bataillons européens se posent en Pologne. Près de 5 000 soldats français sont débarqués. « Sans tenir compte des Etats‐Unis, il y a déjà deux gros bataillons de soldats de l’Otan en Estonie, et une force française de 5 000 hommes déployables en trente jours, livrés sur place », confirme le général Michel Yakovleff. […]

Alors que, sur les plateaux des chaînes d’info, les experts émettent de sombres prévisions économiques, le coup de massue tombe : les forces biélorusses sont parvenues à percer les défenses alliées et à atteindre Riga, la capitale de la Lettonie, en un peu plus de trente‐huit heures. Les combats font rage en Estonie, mais les bataillons russes sont à moins de 50 kilomètres de Tallinn. […]

Devant cette situation manifestement hors de contrôle, Washington se décide à intervenir. Le 12 juin, une partie des troupes américaines arrivent au port de La Haye, aux Pays‐Bas. Quatre jours plus tard, la contre-offensive de l’Otan est lancée par l’intermédiaire d’une opération terrestre et aéroportée. Au bout d’une dizaine de jours, les alliés parviennent à regagner peu à peu du terrain. Le 14 juin, les troupes russes reculent et sortent de Tallinn. Les médias occidentaux saluent le succès d’une opération qui « balaie » des forces russes éreintées par plusieurs mois de combats. Le 20 juin, une opération amphibie menée conjointement par les forces américaines, suédoises et norvégiennes prend à revers les armées biélorusses. Les trois forces, assistées des marines anglaise et française, parviennent à reprendre Riga. Aidée des Etats‐Unis, l’Otan retrouve sa pleine puissance, et reprend les territoires perdus.

Arme nucléaire tactique

Acculé, seul au Kremlin, Vladimir Poutine décide alors l’impensable. Le 23 juin, un signal d’alarme retentit en Estonie, alors qu’un convoi militaire des alliés est visé par une arme nucléaire tactique envoyée depuis la Biélorussie. 300 morts, civils et militaires, sont à déplorer. Les Etats‐Unis, souhaitant éviter de s’engager dans une escalade nucléaire, ne répliquent pas directement. Ils fournissent néanmoins du renseignement en appui à une décision franco‐britannique : répliquer en visant l’un des bunkers où Vladimir Poutine, qui a disparu depuis plusieurs jours, s’est exilé. Trois jours plus tard, l’opération est lancée alors que, dans la capitale russe, la révolte gronde.

Les jours de Vladimir Poutine étant comptés, une révolution de palais est en cours à Moscou. Dans quelques jours, semaines peut‐être, le leader russe ne sera plus. La guerre va s’arrêter en Europe – du moins sur le front des pays Baltes. […] Un nouveau virage géopolitique, plus que jamais incertain, s’offre au monde.

Les scénarios noirs de l’armée française. Comprendre les menaces qui nous attendent, par Alexandra Saviana. Robert Laffont, 240 p., 19 €.

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