“Mon espace santé” : une action de santé publique bienvenue, par le Pr Alain Fischer

“Mon espace santé” : une action de santé publique bienvenue, par le Pr Alain Fischer

Depuis deux ans, la France, via la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam), dispose enfin d’un espace numérique de santé qui offre à chacun et aux professionnels de santé le partage d’informations essentielles à la bonne prise en charge des patients. Cette naissance fut douloureuse : vingt ans d’efforts ont été nécessaires pour créer un dossier médical et un carnet de santé numériques. Malgré des réticences exprimées par quelques associations et médecins, il faut se réjouir de cette nouvelle. La mise à disposition de ces données doit faciliter la prévention, la vaccination en particulier, assurer une meilleure coordination des soins entre ville et hôpital, améliorer la pertinence des soins en réduisant les risques de surconsommation médicale tant en ce qui concerne les examens que les thérapeutiques. Bien utilisé, il est de nature à responsabiliser chaque citoyen face à sa santé.

Que peut-on attendre du contenu de cet espace ? Il contient le dossier médical du patient nourri par le patient lui-même et par les professionnels de santé : résultats d’examens, comptes rendus de consultations et d’hospitalisations, ordonnances, courriers et toutes les autres données de nature à apporter les informations actualisées nécessaires à la prise en charge du malade. C’est aussi un carnet de vaccination électronique qui devrait se substituer avec bonheur au carnet de santé des enfants… trop souvent volatilisé à l’âge adulte. Ce nouvel espace numérique offre par ailleurs des services : la possibilité pour les patients de transmettre leurs ordonnances aux pharmaciens de leur choix, une messagerie sécurisée permettant aux soignants de contacter les patients (et à ceux-ci de répondre). Devrait bientôt s’y ajouter un “agenda santé” indiquant aux personnes les dates prévues des vaccinations et des rappels, ainsi que les échéances des bilans de dépistage ou de prévention. Un système similaire a permis de façon très efficace en Espagne de faire en sorte que les citoyens, habitués à recevoir de tels messages, se fassent vacciner sans retard et massivement contre le SARS-CoV-2 durant la crise sanitaire.

Cet espace est-il utilisé ? Un bilan récent présenté par le ministère de la Santé et la Cnam montre que les Français se l’approprient progressivement, puisque 11 millions d’entre eux y recourent déjà, tout comme environ 45 000 médecins généralistes. Ceux-ci y sont incités par une rémunération dédiée. Environ 20 millions de documents sont placés chaque mois dans l’espace santé. Il y aurait déjà entre 100 000 et 200 000 consultations par les professionnels de santé chaque mois. Ces données sont encourageantes même si cela ne concerne encore qu’environ 15 % de la population. Néanmoins, on peut considérer qu’une preuve de principe de l’efficacité du système a été apportée sur le terrain.

Conditions de sécurité satisfaisantes

Une question essentielle concerne bien sûr la sécurisation du système informatique et des accès, autrement dit le respect strict de la confidentialité des données. Le système a été validé par les autorités ad hoc dont la Commission nationale de l’informatique et des libertés. Les informations sont stockées par des entreprises ayant le statut d’hébergeurs de données de santé, avec un cahier des charges rigoureux. A ce jour, il n’a pas été fait état de brèche mais bien sûr la vigilance est de mise. Pour des raisons de simplification des procédures de mise en œuvre, toute personne affiliée à la Cnam dispose d’un espace santé, sachant qu’il est possible d’en obtenir la suppression. De plus, l’espace ne vit que par le contenu placé par les patients et les médecins autorisés à le faire. Il me semble que ce dispositif apporte des conditions de sécurité satisfaisantes. On ne peut donc qu’encourager chacun à constituer son dossier médical numérique.

Les utilisateurs témoignent du fait que les procédures d’activation et de recours au dossier sont simples. Il faudra cependant approcher les personnes âgées et les plus vulnérables pour leur en faciliter l’accès. C’est d’autant plus important que ce sont les personnes pour lesquelles un suivi médical de qualité est le plus nécessaire ! En ces temps maussades pour notre système de santé (fuite des soignants, déserts médicaux…), la mise en place et la démonstration de l’efficacité de ce dossier médical numérique sont une bonne nouvelle de nature à améliorer la santé des Français. Profitons-en, il s’agit d’un bien collectif.

Alain Fischer est président de l’Académie des sciences et cofondateur de l’Institut des maladies génétiques

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