Mort d’Akira Toriyama : “Dragon Ball a démocratisé le manga dans le monde entier”

Mort d’Akira Toriyama : “Dragon Ball a démocratisé le manga dans le monde entier”

Sur les réseaux sociaux, les hommages au “génie du manga” se multiplient ce vendredi 8 mars. Le mangaka Akira Toriyama, créateur notamment des séries mondialement connues “Dragon Ball” et “Dr Slump”, est décédé à l’âge de 68 ans d’un hématome sous-dural le 1er mars, ont annoncé sa maison d’édition et son studio. Son œuvre la plus connue, “Dragon Ball”, a accompagné plusieurs générations d’enfants et d’adolescents, engendrant de multiples adaptations, à la télévision, au cinéma, en jeux vidéo…

Né à Nagoya, dans le centre du Japon, en 1955, Akira Toriyama était avant tout connu pour le manga “Dragon Ball”, créé en 1984 et librement inspiré d’un roman chinois du XVIe siècle, contant la vie et les aventures du prodige des arts martiaux Son Goku depuis son enfance. Pour L’Express, Julien Bouvard, maître de conférences en études japonaises à l’Université Jean Moulin Lyon 3 retrace l’histoire d’un succès mondial.

L’Express : Le manga “Dragon Ball”, c’est plus de 260 millions d’exemplaires vendus à travers le monde. Comment expliquer un tel succès ?

Julien Bouvard : “Dragon Ball” a eu un succès incroyable en dehors du Japon. C’est le premier manga qui a été autant traduit et distribué à l’étranger. D’ailleurs, sur les quelque 300 millions d’exemplaires vendus, il doit y en avoir près de la moitié qui a été distribuée à l’étranger.

Dragon Ball est un alliage assez intelligent d’éléments japonais, voire asiatiques (NDLR, en réalité “Dragon Ball” est tiré d’une légende chinoise), qui mélangent les arts martiaux, avec une influence de Jackie Chan, la science-fiction, et un aspect “Terminator”, notamment à travers les voyages dans le temps. “Dragon Ball” est une sorte de melting-pot de beaucoup de facettes de la culture pop mondiale, remodelées pour faire un récit qui se prête très bien à la traduction en langue étrangère. “Dragon Ball”, c’est la synthèse de différentes influences, bien au-delà du Japon, et c’est ce qui explique en partie son succès, son accessibilité aussi. D’ailleurs, Akira Toriyama était moins fan de mangas que de cinéma international. En retour, ça peut expliquer le succès en Occident de la franchise.

Qu’a-t-il révolutionné pour que cela s’exporte autant ?

“Dragon Ball”, c’est d’abord un manga de combat, mais avec une mise en page exceptionnelle. A l’époque, sa composition de la page pour retranscrire les combats est inédite, avec des utilisations de la planche assez intéressantes. Il utilise le temps comme une arme de manière à déconstruire les gestes, les mouvements… Là-dessus, il a été novateur. C’est peut-être celui qui a su ajouter une forme de pureté dans la mise en page des mangas, absente jusque-là. En comparaison, les mangas de combat de la même époque étaient beaucoup plus sanguinolents, brouillons, et avec une abondance d’artifices.

Akira Toriyama est à l’origine plus un illustrateur, qu’un dessinateur de mangas, ce qui explique pourquoi ses œuvres sont plus propres et plus lisibles. Tout cela fait de “Dragon Ball” un manga accessible et c’est une dimension qui permet aujourd’hui de comprendre pourquoi il a eu un tel succès dans le monde. Par sa façon de raconter, de dessiner, Akira Toriyama a démocratisé le manga.

“Dragon Ball” d’Akira Toriyama c’est le manga qui a contribué à populariser mangas et dessins animés japonais. Quel a été l’influence de “DB” sur le manga ?

Des générations de mangakas ont été biberonnées à “Dragon Ball” et “Dr Slump”, l’autre œuvre iconique de Toriyama, plus connue au Japon. Ce matin, on voit les différents hommages rendus à Toriyama : des dizaines de dessinateurs expliquent qu’ils ne le seraient pas devenus sans son influence. Parmi eux, Katsura, ou encore Oda, l’auteur de “One Piece” et Masashi Kishimoto, l’auteur de “Naruto”. Aujourd’hui, ils ont l’impression d’avoir perdu un père, un modèle. Il faut bien comprendre que lorsque cette génération de mangaka s’est lancée, ils n’ont pas pu faire l’économie de lire “Dragon Ball”, car c’est la référence ultime.

C’est une œuvre qui a traversé le temps, sachant se renouveler avec des séries, des dessins animés, des films…

“Dragon Ball” tient aussi son succès à ça. C’est-à-dire que c’est une œuvre transmédiatique, adaptée à la télévision, au cinéma et qui a eu un grand succès à travers les jeux vidéo également.

Aujourd’hui, quel est le poids du manga en France ?

Cela fait 30 ans que l’on publie des mangas en France et désormais le poids du manga représente à peu près la moitié en volume du marché de la bande dessinée. Le premier succès date de 1992, quand le manga “Dragon Ball” a été publié en français. Il y a une longue histoire de l’adaptation des mangas dans l’hexagone pour toucher le public français. Les premières éditions de “Dragon Ball” en France se lisent par exemple de gauche à droite, puis, au fur et à mesure, on adopte la forme originale, c’est-à-dire de droite à gauche, et en respectant l’édition quasi à la lettre. Il y a une sorte de digestion, d’adaptation du manga par les Français à sa forme originelle, y compris dans les traductions, qui ne collaient pas tout à fait au départ.

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