Opération XXL anti-drogue à Toulouse : au coeur de la lutte contre un trafic en pleine expansion

Opération XXL anti-drogue à Toulouse : au coeur de la lutte contre un trafic en pleine expansion

Dans les rues encore sombres du quartier de Bellefontaine, dans la périphérie de Toulouse, une faible lumière se dégage de la fenêtre d’un pavillon. “Quelqu’un est déjà debout. On espère que c’est lui”, souffle Fabien Grethen, directeur territorial adjoint de la police judiciaire (PJ) de Toulouse. La personne à laquelle le commissaire fait référence est considérée comme l’un des membres les plus importants d’un réseau de trafic de drogue local, sur lequel les enquêteurs spécialisés travaillent depuis plus de six mois. “On s’est renseignés sur les tenanciers des points de deal, les nourrices, les gérants, on veut taper sur la hiérarchie du réseau”, explique-t-il, scrutant la dizaine d’agents de la brigade de recherche et d’intervention (BRI) qui avance en silence devant le portail pourpre de la maison familiale.

Simultanément, plus de 150 policiers, collègues de la BRI, du Raid ou de la brigade anti-criminalité se sont postés devant les portes d’autres logements des quartiers environnants, qui composent l’ensemble du Mirail, connu pour la présence d’un fort trafic de stupéfiants. En ce mardi glacial du mois d’avril, quatorze personnes, considérées comme “haut placées” dans la hiérarchie du réseau, doivent être interpellées dans le cadre de l’opération “place nette XXL” qui vient de débuter à Toulouse. Chacune de ces interventions doit être lancée au même moment, pour éviter tout risque de fuites. Il est un peu plus de six heures quand le chef de groupe lance l’assaut, et brise le silence du lotissement.

“Police !”, hurle l’un des agents alors que la porte d’entrée cède. Mieux vaut prévenir : dans la guerre de territoire qui s’est installée entre différents réseaux de Toulouse, les lourdes représailles et tentatives de meurtre ne sont pas rares. “Chaque année, nous comptons trois ou quatre morts abattus dans le cadre du trafic, et une quinzaine de blessés par balles”, regrette auprès de L’Express le procureur de Toulouse, Samuel Vuelta Simon. Pour les équipes de la BRI, le principal danger réside dans la tentation, pour les dealers craignant une attaque d’un groupe adverse, de répondre à l’assaut par des tirs d’armes à feu. “C’est déjà arrivé”, commente Fabien Grethen, qui assiste à ce type d’opération “deux à trois fois par an”. Ce matin, aucune détonation n’est à signaler. Le silence qui provient du pavillon après l’entrée des policiers est presque surprenant. Au bout de quelques minutes, une voix de femme s’élève depuis l’entrée. “Vous n’avez pas le droit de rentrer comme ça !”, crie-t-elle alors que les agents prennent possession des lieux. Un jeune homme, qui a tenté de s’enfuir par le jardin à l’arrivée de la police, est stoppé net dans sa course. Il s’agit du frère de la cible principale.

Mais après une fouille minutieuse de la maison, quelques grammes de stupéfiants et de l’argent liquide retrouvés, les policiers doivent se rendre à l’évidence : le principal intéressé n’est pas présent. “Il faut regarder partout : il est déjà arrivé qu’on retrouve quelqu’un au fond d’un placard, sous un lit…”, témoigne Fabien Gethen. Presque amusé, l’homme se souvient d’une mère de famille simulant un malaise sur le canapé du salon lors d’une perquisition précédente. Plusieurs kilos de stupéfiants y avaient été cachés. Mais ce mardi, ni l’entrée de la brigade cynophile et d’un chien spécialisé dans la recherche de drogues et de billets, ni la présence de la BRI ne permettront de faire pareille découverte. Ici, les policiers ont fait chou blanc. “Dans ce type d’opérations, il est rare d’arrêter tout le monde en même temps. En dernière minute, le suspect a pu aller dormir ailleurs, s’absenter… Mais on a suffisamment d’éléments pour l’interpeller plus tard, resserrer la pression autour de lui”, relativise Fabien Grethen.

D’autant qu’à quelques pâtés de maison seulement, certaines opérations sont un succès : en bas des tours du quartier de la Reynerie, un homme est ainsi aperçu menotté, encadré de plusieurs enquêteurs. En une heure, une dizaine de personnes ont été arrêtées, sur les quatorze “objectifs” de la matinée. “Ces interpellations visent à démanteler petit à petit le trafic. Les suspects seront placés en garde à vue pour 96 heures maximum, puis présentés à un juge d’instruction”, précise Patrick Léonard, chef de la Direction territoriale de la PJ de Toulouse.

“15 000 à 20 000 euros par jour”

De son côté, le procureur Samuel Vuelta Simon rappelle que cette opération “place nette XXL” se poursuivra durant plusieurs semaines à Toulouse, mobilisant 250 policiers pour réaliser de nouvelles interpellations à la suite d’enquêtes judiciaires, des opérations de voie publique, ou encore des contrôles du comité opérationnel départemental anti-fraude (CODAF) afin de lutter contre le travail clandestin, l’immigration illégale ou encore la détention ou la vente de produits illégaux. Le 2 avril, l’une de ces opérations, réalisée place Abbal, dans le quartier du Mirail, a ainsi permis de saisir 85 kilos de denrées alimentaires, des cartouches de cigarettes de contrebande, des stupéfiants, des chandelles d’artifice, ainsi que demander huit fermetures administratives, quatre redressements forfaitaires de l’URSAFF, et d’ouvrir une procédure pour suspicion de travail dissimulé dans différents établissements.

“Le quartier ciblé est notamment celui du Mirail, où le trafic de drogue est depuis longtemps organisé, déculpabilisé et extrêmement rentable”, indique le procureur, alors que certaines sources policières évoquent un chiffre d’affaires allant de “15 000 à 20 000 euros par jour” pour les dealers. Comme dans d’autres villes françaises, Samuel Vuelta Simon constate à Toulouse “une explosion” du trafic de drogues ces dernières années, impliquant des profils “inhabituels”, comme “des pères de famille ou des jeunes insérés” qui acceptent de “vendre et livrer des stupéfiants en complément de salaire”, une ubérisation du trafic sur Internet, un blanchiment organisé et une augmentation des violences autour du réseau. “Comme à Marseille, nous commençons à constater des guerres de territoire ou des personnes abattues sur des points de deal. Aussi XXL soit-elle, ces opérations ne permettront pas d’éradiquer totalement le trafic, mais elles sont un outil supplémentaire pour mobiliser plus d’effectifs sur une période plus longue, afin de le déstabiliser”, estime-t-il.

“Le trafic se fait désormais beaucoup sur Internet, les points de deal ont un peu perdu de leur superbe… Mais ce type d’opération permet malgré tout d’éviter les résurgences ou les tentatives de reprise de points de deal”, complète Fabien Grethen. Le 30 mars, Gérald Darmanin précisait que les opérations anti-drogues déjà menées à Marseille, en région parisienne ou dans le Nord avaient permis “1738 interpellations”, et la saisie de “150 kilos de drogues et 2,4 millions d’euros”, pour environ 20 000 gendarmes et policiers mobilisés.

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