Pacte asile et migration : stop aux cris d’orfraie, le temps presse, par Eric Chol

Pacte asile et migration : stop aux cris d’orfraie, le temps presse, par Eric Chol

C’est la dernière arme brandie par l’Union européenne avant les élections de juin. Le pacte Asile et migration, en gestation depuis 2020, et qui, après un accord au forceps entre les institutions bruxelloises en décembre, doit encore faire l’objet d’un vote décisif au Parlement européen le 10 avril avant une adoption juste avant le scrutin de juin. Un pacte de compromis, comme tout accord européen, à la fois suffisamment restrictif pour satisfaire une opinion publique de plus en plus préoccupée par l’arrivée de migrants, et suffisamment lucide pour activer un mécanisme de coopération et de solidarité entre pays. Un texte aussi indispensable que raisonnable, en dépit des cris d’orfraie de l’ensemble de l’opposition en France. Même Raphaël Glucksmann, qu’on a connu plus courageux, a promis de voter “contre la majorité des textes” constituant le pacte.

La réalité, c’est que le temps presse. Côté politique, l’extrême droite surfe sur le discours anti-migrants. Depuis 2010, elle a déjà rassemblé plus de 20 % des votes aux législatives dans un tiers des pays de l’UE. Et ce n’est pas fini. Le 10 mars, le mouvement Chega récoltait 18 % des votes au Portugal. Le 6 avril, les électeurs slovaques ont choisi comme président Peter Pellegrini, un populiste proche du premier ministre Fico. Quant à Jordan Bardella, tête de liste du Rassemblement national, il caracole en tête des sondages…

Coté frontières, la Méditerranée ne cesse d’accueillir de nouveaux flux de migrants. En 2023, Frontex, l’agence chargée de la surveillance des frontières européennes, a constaté 380 000 entrées irrégulières aux frontières de l’Union européenne, un chiffre jamais atteint depuis le pic de 2015/2016. Cette dynamique s’est poursuivie au début de l’année. Frontex prévoit pour 2024 “la possibilité d’une augmentation des migrations et de la criminalité transfrontalière”.

Le nouveau pacte permettra-t-il un meilleur contrôle de ces vagues migratoires ? “Après l’échec total subi par l’Union européenne en 2015-2016, celle-ci devait montrer qu’elle était capable de traiter la question des arrivées de personnes à ses frontières”, commente Virginie Guiraudon, directrice de recherche CNRS en science politique au Centre d’études européen de Sciences Po. Toutefois, au vu des innombrables arcanes juridiques et du manque de volonté politique de certains Etats, l’experte redoute que la mise en œuvre du nouveau pacte débouche sur “une usine à gaz bureaucratique”, dont les coûts pourraient s’envoler.

“En matière de politique migratoire, les meilleures initiatives sont non seulement difficiles à prendre, mais compliquées à mettre en œuvre”, reconnaît de son côté la députée européenne Nathalie Loiseau*. Mais elle ajoute : “Ceux qui jugent qu’on ne peut rien faire n’ont pas essayé, et ne semblent pas suffisamment s’émouvoir que la Méditerranée soit le tombeau de près de 30 000 morts depuis 2014.” Dont plus de 3000 uniquement l’an dernier…

*Si L’Europe n’existait pas, Nathalie Loiseau, Editions de l’Observatoire, 2024.

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