Paris 2024 : dans les stades, de l’électricité… mais encore du fioul

Paris 2024 :  dans les stades, de l’électricité… mais encore du fioul

Les groupes électrogènes seront-ils vraiment mis au placard à l’occasion des JO de Paris ? Pas sûr. Certes, le comité organisateur ne plaisante pas avec le bilan carbone de l’événement qu’il annonce deux fois plus faible que celui de Londres en 2012 ou de Rio en 2016. Pour l’occasion, plusieurs stades et grandes salles de spectacles accueillant les épreuves seront connectés au réseau électrique national. Une première. Ces installations n’auront donc pas besoin de recourir au fioul pour leur approvisionnement en énergie. Mais les vieilles habitudes ont la vie dure.

“Le Cojo délègue pour partie l’organisation à des infrastructures locales. Et celles-ci accueillent ensuite des prestataires. Certains pourraient arriver avec leur groupe électrogène et l’allumer le jour d’une épreuve importante. Une manière de se rassurer face à un éventuel risque de coupure”, explique un fin connaisseur des grandes compétitions.

Ce ne serait pas si étonnant. En matière de retransmissions sportives ou de concerts, le recours aux solutions carbonées reste fréquent dès qu’il y a un enjeu important. “Pour le premier tour de badminton, la question ne se posera pas, mais pour la finale du 100 mètres, tout le monde sera sur les nerfs. Alors, pourquoi ne pas consommer un peu de fioul le temps de l’épreuve, tout en gardant en parallèle la connexion au réseau électrique, histoire d’avoir ceinture et bretelles ?”, poursuit l’expert. L’efficacité avant l’écologie. Un classique. “De manière générale, l’usage des groupes électrogènes pendant les compétitions sportives en France est en nette diminution, mais il persiste dans certains endroits, par manque de confiance dans le réseau électrique ou pour des raisons de sécurité”, confirme Guillaume Gouze, consultant au Centre de droit et d’économie du sport de Limoges et spécialiste de la transition énergétique.

La loi impose la présence de ces appareils dans les infrastructures de grande taille, afin de pouvoir éclairer la foule en cas de panne du réseau. Elle oblige aussi les propriétaires des lieux à les faire tourner régulièrement pour s’assurer de leur bon fonctionnement. Toutefois, au sein de la Ligue 1 et de la Ligue 2 de foot, 13 clubs sur 40 utilisent encore les groupes électrogènes comme source d’énergie primaire. Avec des différences importantes de consommation : de 700 litres à 32 000 litres de carburant par an. “Certains stades rénovés à l’occasion de l’Euro 2016 tournent encore avec des groupes électrogènes. L’organisateur de la manifestation n’a pas forcément la main sur la technique, ou bien il se dit : ‘Je n’ai pas envie que mon écran géant, ma production télé ou mes panneaux publicitaires tombent en rade’, donc, il sécurise”, précise Guillaume Gouze.

Quel héritage après les Jeux ?

Techniquement, il est pourtant possible de s’en remettre complètement au réseau en multipliant les points d’accès autour du stade. “Le Parc des Princes par exemple, en possède désormais quatre”, glisse Christophe Chavrier, responsable de l’activité “Electrification des usages et des procédés” dans la société d’ingénierie Elcimaï. De quoi réduire considérablement le risque de coupure. “Si on veut une alimentation plus robuste, des travaux sont nécessaires. Concrètement, au lieu d’avoir un seul câble, il en faut deux pour pouvoir basculer de l’un à l’autre en cas de défaillance”, confirme Chloé Mexme, cheffe de projet Enedis pour les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024. En faisant en sorte que neuf grands stades et plusieurs salles de spectacles soient équipés d’un dispositif similaire pour les Jeux, le Cojo met en avant les bonnes pratiques et parle d’héritage.

Mais l’effet boule de neige espéré sera-t-il au rendez-vous, une fois l’euphorie de la compétition passée ? Les travaux de raccordement au réseau coûtent cher : jusqu’à plusieurs centaines de milliers d’euros pour les dossiers les plus complexes. “Cette opération peut s’avérer difficile en province où le maillage du réseau électrique est moins dense”, estime Christophe Chavrier. Par ailleurs, ces dépenses ne donnent pas vraiment lieu à un retour sur investissement. Il s’agit surtout d’une question d’image. “Sans les JO, les sites choisis pour accueillir les épreuves auraient sans doute attendu longtemps avant de passer à l’énergie verte”, admet un expert.

Enedis, qui raccorde une quarantaine de sites olympiques au réseau, voit tout de même les pratiques évoluer. “Les Ligues et les acteurs de l’événementiel se préoccupent de plus en plus de leur impact carbone. L’an dernier, les championnats du monde de ski à Méribel et Courchevel ont été retransmis en grande partie grâce au réseau. Les festivals de musique s’y mettent eux aussi”, constate Chloé Mexme.

“L’angle mort, ce sont les milliers d’installations sportives de taille modeste situées en régions”, ajoute Guillaume Gouze. Utilisent-elles beaucoup les groupes électrogènes ? Impossible à dire faute de données disponibles. Le groupe de réflexion The Shift Project et son président Jean-Marc Jancovici ont prévu de se pencher sur la question. “Si on veut vraiment décarboner le sport, il faut surtout s’attaquer aux moyens de transport des spectateurs utilisés les jours de matchs. Voitures thermiques, avions, c’est là où on fera le plus d’économies de CO2”, assure un professionnel du foot. Manière habile de dégager en touche.

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