Pourquoi les villes devraient-elles financer l’incurie de l’Etat ? Par Jean-François Copé

Pourquoi les villes devraient-elles financer l’incurie de l’Etat ? Par Jean-François Copé

Mercredi 20 mars au soir : dîner panique à l’Elysée. C’est désormais un déficit de plus de 5 % du PIB qui est attendu pour 2023. Un trou béant supérieur aux 173,3 milliards annoncés en janvier. Bruno Le Maire, mais aussi la Cour des comptes, le FMI, la Commission européenne, les agences de notation n’ont cessé depuis deux ans de tirer la sonnette d’alarme dans l’indifférence macronienne générale. Mais cette fois, il n’était plus possible de masquer cette réalité impardonnable. Avec la croissance beaucoup moins forte que prévu, l’explosion des taux d’intérêt qui vont peser sur le coût de la dette et l’accumulation des promesses de dépenses, l’année 2024 s’annonce catastrophique sur le plan budgétaire. Et dans l’urgence, sans aucun état d’âme, Emmanuel Macron a immédiatement trouvé la parade : les collectivités locales paieront !

Voilà la décision que l’Etat incapable entend prendre pour faire financer par d’autres son incurie. Oui, l’Etat incapable ! Incapable de diminuer ses dépenses de personnel en réformant la fonction publique ni de dire non au moindre mécontentement en privilégiant la politique du chèque. Incapable d’engager la moindre réforme structurelle tant il est rongé par les tabous politiques et syndicaux. Le tabou des 30 heures dans la fonction publique, le tabou de l’emploi à vie, le tabou du dépenser mieux plutôt que dépenser plus, etc.

Mais l’Etat incapable, c’est aussi celui qui n’assume jamais ses responsabilités et ne reconnaît jamais qu’il s’est trompé alors même qu’il a commis des erreurs stratégiques majeures dont le coût pour les finances publiques a été gigantesque. L’énergie, avec le stop-and-go nucléaire et la dette colossale accumulée par EDF. Le ferroviaire avec le fiasco de la SNCF et de la gestion des infrastructures. Sans oublier l’Education nationale et ses douloureux résultats pour le niveau de nos élèves.

Mais l’Etat incapable c’est aussi celui qui, faute de rigueur, multiplie les absurdités budgétaires. Un exemple parmi d’autres : 400 millions d’euros gaspillés pour un “système informatisé de gestion des ressources humaines de l’Education nationale” qui n’a jamais été déployé.

Pillage des budgets locaux

Et l’Etat va poursuivre son chemin d’indignité en se payant sur les collectivités locales, c’est-à-dire essentiellement les villes qui portent la République et l’efficacité démocratique au quotidien. Les villes dont on a supprimé l’essentiel des recettes fiscales (taxe professionnelle sous Sarkozy, taxe d’habitation sous Macron) pour y substituer des subventions d’Etat sans cesse rabotées. Les villes qui croulent sous les dépenses obligatoires. Ainsi, lorsque Macron a revalorisé en 2023 le point de rémunération de la fonction publique d’Etat, les collectivités locales ont été obligées de s’aligner pour leurs propres fonctionnaires. Sans oublier les innombrables normes auxquelles elles doivent se conformer sans aucune prise en compte des conséquences financières. Les villes qui, lorsqu’elles sont bien gérées, payent pour les autres et vont devoir renoncer à des investissements pourtant porteurs de croissance pour financer l’incurie de l’Etat.

Ce second mandat présidentiel s’écoule, enchaînant les déconvenues et les incertitudes, incarnant plus que jamais l’impuissance publique et l’échec des gouvernements censés protéger la République. On le dit sur tous les tons : c’est un boulevard pour les partis extrémistes rejoints chaque semaine par de nouvelles personnalités pensant y trouver une nouvelle voie ou une nouvelle existence.

Alors que l’on va devoir travailler à un programme alternatif au post-macronisme, il nous faudra nous appuyer sur les derniers piliers de l’efficacité publique. Les villes doivent en être à condition de corriger drastiquement la complexité de notre système local. L’éloignement de Paris est tel que l’efficacité de proximité dans des domaines aussi essentiels que les infrastructures, les politiques économiques et sociales, mais aussi la sécurité et l’éducation devront faire l’objet d’un mouvement assumé de décentralisation. Il faut tout faire pour éviter que d’ici là le pillage des budgets locaux programmé par l’Etat ne rende les choses irréversibles.

Jean-François Copé, ancien ministre et maire LR de Meaux.

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