Proportionnelle aux législatives : de gauche à droite, qui est pour, qui est contre ?

Proportionnelle aux législatives : de gauche à droite, qui est pour, qui est contre ?

Son combat dure depuis des années. Tout juste réélu pour trois ans à la tête du MoDem, ce dimanche 24 mars, François Bayrou a une nouvelle fois plaidé pour l’introduction de la proportionnelle aux élections législatives. Devant son parti, réuni en congrès à Blois (Loir-et-Cher), il a également évoqué l’hypothèse d’un référendum pour faire adopter cette modification de la loi électorale.

“J’ai la conviction que nous allons y arriver. Qu’après tant et tant d’années de combat, tant et tant de difficultés pour faire entendre l’évidence, une fenêtre s’est ouverte et que nous allons pouvoir trouver une résolution à cette question qui est vitale pour l’avenir de la démocratie française”, a ainsi déclaré François Bayrou.

💬 La loi électorale doit être le moment d’articulation pour passer de l’univers de ceux qui veulent à tout prix imposer leurs idées aux autres, à ceux qui veulent défendre les leurs. Et c’est la proportionnelle !#CongrèsMoDem pic.twitter.com/Bo3nV2o47C

— François Bayrou (@bayrou) March 24, 2024

Son discours faisait suite à l’intervention de la présidente (Renaissance) de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, qui prône également l’instauration de la proportionnelle dans les départements comptant au moins 11 députés (soit 11 territoires : ceux d’Île-de-France sauf l’Essonne et le Val-d’Oise, ainsi que le Nord, le Pas-de-Calais, le Rhône, la Gironde, les Bouches-du-Rhône).

Dans un entretien au Figaro publié vendredi 22 mars, Yaël Braun-Pivet estime qu’”il est temps d’honorer” l’engagement d’Emmanuel Macron, lequel avait promis dès 2017 de mettre en place ce mode de scrutin aux élections législatives. L’introduction d’une dose de proportionnelle figurait dans la révision constitutionnelle abandonnée en 2018 et 2019. Toutefois, si le chef de l’Etat s’y est dit favorable lors de la campagne présidentielle de 2022, la mesure ne figurait pas dans son programme de réélection.

Les Insoumis et les Verts favorables

Pour rappel, l’introduction d’une “dose” de proportionnelle, comme le souhaitent François Bayrou et Yaël Braun-Pivet, signifie que l’on attribue une part des sièges d’une assemblée en fonction du nombre de voix recueillies et pas seulement majoritairement au gagnant. Ce système permettrait aux forces politiques d’être “mieux représentées”, selon la présidente de l’Assemblée.

Constat partagé par les Insoumis, et notamment par leur leader, Jean-Luc Mélenchon. Alors enterré depuis plusieurs années, le débat autour de la proportionnelle avait déjà ressurgi à l’Assemblée nationale en avril 2021, à la faveur d’un texte déposé par l’ancien candidat à la présidentielle. La proposition de loi ne comptait qu’un article unique, prévoyant de revenir au mode de scrutin testé en France lors des élections de 1986 sur la base de listes départementales. Le seul moyen, selon le leader des Insoumis, de “réparer la démocratie”.

Le texte n’est pas passé, mais les principaux intéressés s’en doutaient. “Ça va être intéressant d’entendre les marcheurs expliquer pourquoi ils ne peuvent pas tenir leurs promesses”, affirmait alors la députée LFI, Mathilde Panot, auprès de Franceinfo, avant même que la proposition de loi ne soit étudiée dans l’Hémicycle.

Chez les Verts aussi, on déplorait le renoncement du président sur cette question. “Le Président aurait-il un problème avec la démocratie ?”, questionnaient-ils, dans un communiqué. Le parti Europe écologie Les Verts prône depuis longtemps l’instauration de ce mode de scrutin. La mesure figurait notamment dans les 21 propositions formulées par le parti et destinées au chef de l’Etat, en vue des Rencontres de Saint-Denis, le 30 août dernier. Le parti écologiste réclamait alors le retour de la proportionnelle “avant 2027”.

“La France est le seul pays de l’Union européenne où les législatives ne comprennent pas de dose de proportionnelle, empêchant de facto la bonne représentation des sensibilités politiques des citoyens”, peut-on lire sur le site d’EELV.

Le Rassemblement national, historiquement pour

Une fois n’est pas coutume, cette mesure, désirée à la fois par les Insoumis et par les Verts, l’est également par Marine Le Pen. Tout juste qualifiée au second tour de l’élection présidentielle de 2022, cette dernière avait promis d’instaurer, si elle était élue, la proportionnelle pour “deux tiers” des députés français. Pour l’ex-candidate du RN, qui déplorait alors le manque de sièges du Rassemblement national au Parlement (seulement “huit parlementaires sur 925”), élire les députés de façon proportionnelle permettrait une “représentation des sensibilités qui s’expriment dans le pays”.

Une promesse moins radicale que celle que le RN mettait en avant cinq ans auparavant. En 2017, Marine Le Pen prônait l’instauration de la proportionnelle intégrale aux élections législatives, “quitte à mettre une prime au mouvement politique arrivé en tête pour assurer une stabilité”. Cette idée est prégnante au sein du parti depuis sa création, en 1972. Ce mode de scrutin avait d’ailleurs été favorable au Front National lors des législatives de 1986 : le parti d’extrême droite comptait alors 35 députés, un record qui n’a été égalé qu’en 2022.

Le PS mitigé, LR farouchement opposé

Toutefois, pour le Parti socialiste, ce mode de scrutin doit être manié avec prudence. Déjà, à l’approche des élections législatives de 2022 et alors que la proposition de loi sur l’instauration de la proportionnelle était en débat à l’Assemblée nationale, le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, appelait à la retenue : “Un mode de scrutin, on ne le tripatouille pas à un an d’une échéance électorale”, estimait-il, dans l’émission “Dimanche en politique” sur France 3, en février 2021.

S’il n’est pas opposé à une dose de proportionnelle, il s’est dit “sceptique” sur la proportionnelle intégrale, dans un entretien accordé à L’Express, en mai dernier. “On doit permettre aux élus d’incarner la nation, et de le faire dans la durée pour être jugés sur un bilan et non dans le feu de l’action”, plaidait Olivier Faure.

En revanche, c’est un “non” franc et catégorique du côté des Républicains, hostiles depuis toujours à ce mode de scrutin. D’abord, parce qu’il implique des contraintes “géographiques” : “Il y aurait donc de facto nécessité de redécouper l’intégralité des circonscriptions”, pointait le parti sur son site, en 2021.

Mais également des problématiques politiques, notamment si la proportionnelle intégrale était mise en place. Celle-ci “serait synonyme du retour au multipartisme exacerbé et au régime d’assemblée de la IVe République où les conflits innombrables au sein de l’hémicycle entre de nombreux groupes parlementaires rivaux finissaient par mettre en péril l’exécutif lui-même”.

Pour la droite, la proportionnelle agite le spectre de la IVe République, symbole d’instabilité politique. Il y aurait un “Parlement sans majorité”, mettait en garde François Fillon, dans le Journal du Dimanche, en 2017. “Ce serait pour nous un vrai casus belli”, abondait Christian Jacob, dans le même hebdomadaire.

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