Reconversion professionnelle : le retour en grâce des métiers de la main

Reconversion professionnelle : le retour en grâce des métiers de la main

Qui n’a jamais pensé tout plaquer pour changer de métier ? Parfois subie, souvent choisie, la reconversion n’a jamais autant taraudé les Français, surtout après la pandémie de Covid-19. Pour donner du sens à leur quotidien, mieux gagner leur vie ou tout simplement changer d’air. Voici une des voies les plus originales.

Il faut parfois (se) faire la malle… Après dix années passées dans le secteur tertiaire, Michèle a tout plaqué pour se reconvertir dans la maroquinerie et la confection de malles et de coffrets chez Louis Vuitton. “J’ai toujours été manuelle, j’adore le cuir et la couture”, explique cette quadragénaire qui n’a pas hésité à quitter Toulouse pour s’installer à Paris afin de préparer un CAP en alternance à l’Institut des métiers d’excellence (IME) du groupe LVMH. Au bout, un CDI à l’atelier Louis Vuitton d’Asnières (Hauts-de-Seine).

Des métiers méconnus qui sont le premier capital du secteur du luxe

Dans les métiers du luxe, l’artisanat d’art recèle des métiers méconnus : maître bottier, modéliste, patronnier, ennoblisseur, brodeur, sellier, sertisseur, polisseur, etc. “Notre premier capital est notre savoir-faire qui repose sur le talent des artisans, rappelle Chantal Gaemperle, directrice des ressources humaines et synergies du groupe LVMH. Nous comptons plus de 280 métiers d’excellence répartis au sein de nos 75 maisons et proposons cette année 3 500 offres d’emploi en France sur ces métiers. D’où notre enjeu de les faire connaître.” Selon le comité Colbert, qui regroupe 90 maisons de luxe françaises, il existe 16 structures de formation parmi ses membres : LVMH avec l’IME, donc, mais aussi Van Cleef & Arpels (Ecole des arts joailliers), Ducasse, Longchamp, Hermès (Ecole du cuir), Cartier (Institut de joaillerie)… La plupart d’entre elles s’adressent à des jeunes et proposent des formations courtes.

Mais on observe de plus en plus de personnes en reconversion – jusqu’à 50 %, dans les métiers du cuir. C’est le cas d’Agnès, qui, après avoir exploré de multiples voies – social, métallurgie, restauration –, a ressenti une “envie de travailler la matière”. Désormais salariée d’Hermès, elle dit apprécier la dimension de “transmission des savoirs” entre formateurs et apprentis, l’esprit de corps au sein de son atelier, ou encore le plaisir de travailler sur du temps long – “On fabrique des objets du début à la fin.”

Des besoins qui explosent

Or les besoins dans les “métiers de la main” restent importants. A l’IME, 750 appentis seront formés en 2024. “On dispense plus de 60 formations dans le monde, détaille Alexandre Boquel, directeur des métiers d’excellence de LVMH. Et, depuis la pandémie de Covid-19, on constate qu’un quart des gens formés sont des personnes en reconversion, contre 15 % avant. Ils font d’ailleurs preuve d’une certaine forme de courage et d’abnégation, car ce n’est pas simple de repartir de zéro.”

Emmanuel Pommier, directeur général du pôle maroquinerie-sellerie d’Hermès, abonde : “Nos apprentis ont entre 17 et 57 ans, viennent de tous les secteurs – santé, grande distribution, coiffure, enseignement, ingénieurs, etc. – et se montrent très déterminés à réussir dans leur nouveau métier.” En matière de sélection, point besoin de CV à rallonge, ce qui compte, “c’est la dextérité bien sûr mais aussi d’autres qualités comportementales telles que la capacité de concentration”, explique-t-il. Après les tests, les candidats passent des entretiens avant d’intégrer leur formation. Les heureux élus n’ont pas vraiment de problème de débouché : “En 2023, sur un peu plus de 200 diplômés, 195 ont été embauchés”, pointe Emmanuel Pommier. Même constat chez LVMH : “98 % obtiennent leur sésame et 78 % trouvent un emploi chez nous”, assure Chantal Gaemperle. Parmi eux, Leslie, autre exemple de reconversion heureuse : avec un master international de développement durable obtenu à Sciences Po en 2012 et après avoir eu le sentiment d’avoir “beaucoup brassé de vent”, elle a suivi le cursus de l’IME et de la Haute Ecole de joaillerie pour être aujourd’hui polisseuse chez Chaumet. “Je viens de passer quatre-vingt-dix heures sur un diadème, raconte-t-elle émerveillée. Dans mon atelier, je donne “la beauté finale” aux bijoux.” Avec le sentiment de travailler pour l’éternité.

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