Refonte du label ISR : quel impact sur votre épargne ?

Refonte du label ISR : quel impact sur votre épargne ?

Après deux ans de travail, la nouvelle version du label ISR (investissement socialement responsable) a enfin vu le jour. Une refonte attendue tant ce label, qui certifie les fonds vertueux sur le plan extrafinancier, était décrié. “C’est un outil très utile pour communiquer sur nos produits auprès des clients particuliers, mais il était nécessaire de le faire évoluer, car il datait un peu”, reconnaît Jean-Baptiste Morel, responsable de la recherche ESG chez Arkea IS. Avec plus de 1 200 fonds certifiés, représentant 823 milliards d’euros d’encours, l’enjeu est de taille. Ces supports vont devoir se conformer à trois changements majeurs.

A commencer par l’introduction d’exclusions. Seront notamment inéligibles “les entreprises qui exploitent du charbon ou des hydrocarbures non conventionnels, ainsi que celles qui lancent de nouveaux projets d’exploration, d’exploitation ou de raffinage d’hydrocarbures (pétrole ou gaz)”. Un critère qui interdit, de fait, tous les grands pétroliers comme TotalEnergies, ENI ou Shell. “L’approche est assez extensive, souligne Nathaële Rebondy, responsable durabilité Europe chez Schroders. Sont concernées toutes les entreprises dont plus de 5 % de l’activité relèvent de ces opérations.”

Les professionnels divisés

Michèle Pappalardo, la présidente du comité du label ISR, s’est voulue rassurante en précisant que ces entreprises représentaient, en moyenne, moins de 1 % de l’encours des fonds labellisés. Ce chiffre est toutefois très variable d’un produit à l’autre : selon Morningstar, les supports ISR les plus exposés au secteur de l’énergie à travers la seule valeur TotalEnergies en détiennent jusqu’à 10 %.

Le sujet a fortement divisé les professionnels du secteur. Côté pile, le label français était le dernier à n’avoir aucune exclusion. “Cela manquait, estime Leila Lhuissier, product manager chez BNP Paribas AM. Chaque société de gestion avait sa propre politique, alors qu’aujourd’hui le label fixe des règles communes très précises.” Côté face, l’exclusion limite la possibilité de faire pression sur les pétroliers. “L’engagement actionnarial des gérants ISR a contribué à faire évoluer la stratégie d’un acteur comme TotalEnergies, pointe Coline Pavot, responsable de la recherche en investissement responsable chez la Financière de l’Echiquier. Or, on estime que seulement 1,6 % de la capitalisation de cet acteur est détenue par des fonds labellisés, donc un désinvestissement de ces derniers aura peu d’impact boursier.”

De nouvelles contraintes pour les gérants

En parallèle, le référentiel renforce les obligations des gérants en matière de vote et d’engagement : 15 % des sociétés appartenant à des secteurs à fort impact climatique (construction, agriculture, etc.) doivent être dotées d’un plan de transition climatique crédible vis-à-vis des objectifs fixés par l’accord de Paris. Pour les autres, à hauteur de 20 %, les gérants devront les inciter à se doter d’un tel plan. En l’absence de résultat au bout de trois ans, ces émetteurs devront être sortis du portefeuille. Un surcroît de travail non négligeable pour les sociétés de gestion. “Cela va demander des ressources conséquentes, surtout pour les sociétés de gestion avec des portefeuilles diversifiés détenant beaucoup de titres”, constate Nathaële Rebondy. Chez BNP Paribas AM, on estime que le texte pourrait conduire à un doublement du nombre d’actions d’engagement à effectuer. Certains observateurs s’interrogent aussi sur la capacité des fonds monétaires à répondre à cet impératif, car ils ont, par nature, peu d’influence sur les entreprises.

Enfin, le taux de sélectivité est relevé : les fonds ISR devront écarter 30 % de leur univers d’investissement, contre 20 % précédemment. “Ces évolutions font désormais du label ISR le label généraliste le plus exigeant d’Europe”, estime Leila Lhuissier. Ces nouvelles règles entreront en vigueur pour toute nouvelle demande de labellisation à partir du 1er mars. Les produits déjà certifiés devront se mettre en conformité d’ici à 2025. Si certaines sociétés de gestion ont déjà indiqué vouloir aligner leurs fonds sur ce nouveau référentiel, d’autres pourraient juger la marche trop haute.

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