“Sans cette ligne, on crève” : à Aurillac, l’avion sinon rien

“Sans cette ligne, on crève” : à Aurillac, l’avion sinon rien

A Aurillac, l’aéroport ressemble à une gare de sous-préfecture. Au milieu des champs et des montagnes, l’ATR de 48 places dépose cadres et chefs d’entreprise qui se pressent de rejoindre leur premier rendez-vous. Le paysage résume à lui seul l’isolement du chef-lieu du Cantal, considéré par les pouvoirs publics comme le département le plus enclavé de France. Le relief décourage depuis plusieurs décennies les gouvernements successifs de créer une ligne TGV. Le TER pour rallier la capitale met 5h04 – dans le meilleur des cas. Et il faut une heure minimum pour rejoindre l’autoroute A75, à une centaine de kilomètres de là.

L’avion atterrit donc chaque matin à 10h25 et repart à 18h05. Un autre se pose à 21h25 pour les réunions du lendemain. Deux rotations s’enchaînent ainsi chaque jour. Adrien Nivoliez, à la tête de Biose Industrie, une société de microbiologie qui réalise 90 % de son activité à l’international (42 millions d’euros de chiffre d’affaires, 350 salariés), fait partie de ses usagers réguliers. Son entreprise utilise “1 jour sur 3” la liaison : “S’il y avait un train rapide, il n’y aurait pas de sujet, on le prendrait. Mais ce n’est pas le cas. Or, aujourd’hui, pour être compétitif face à nos concurrents américains, nous devons être proches des centres de décisions.” Entre les visites de contrôle qualité de ses laboratoires et celles de ses clients, il se doit d’être à “une heure de Paris”. Sans la ligne ? Il songerait à délocaliser une entreprise installée ici depuis 1951.

Acteurs privés comme pouvoirs publics insistent sur l’utilité de cet avion. “Outil de désenclavement” ; “attractivité du Cantal” ; “attraction de talents” : les arguments sont multiples. Mais à l’heure où le gouvernement fait la chasse aux voyages intérieurs, son maintien est-il justifié ? La question ne se pose pas pour l’Etat qui la considère comme une “ligne d’aménagement du territoire”.

“Sans cette ligne, on crève”

Cette appellation désigne ces trajets quotidiens qui ne disposent pas de liaison ferroviaire directe avec la capitale de moins de 2 heures 30. Considérées comme des services publics au même titre qu’une offre de bus, elles sont largement financées par l’Etat. Entre 2023 et 2027, le gouvernement s’est ainsi engagé à couvrir 55 % du déficit d’exploitation de la ligne Aurillac-Paris, soit 10,2 millions d’euros. Des villes comme Agen ou Tarbes bénéficient également d’un tel dispositif.

Le reste de la note se partage entre département, mairie et chambre de commerce. Une situation qui ne soulève pas de critique à l’échelon local. “Sans cette ligne, on crève”, résume le directeur général de la chambre du commerce du département, Laurent Ladoux. “Pour notre économie, c’est un cordon ombilical”, confirme le président du département (LR), Bruno Faure. Le sujet ne s’est d’ailleurs jamais invité dans les débats des dernières élections municipales. Pas plus que le vote de l’attribution des subventions n’a été remis en cause par l’opposition. Même les forces écologistes reconnaissent le caractère indispensable de l’aéroport. “Il n’y a pas de débat entre nous”, élude le maire PS Pierre Mathonier et membre du groupe d’union des gauches et des écologistes au Conseil départemental.

Pourtant, elle ne présente qu’un taux de remplissage de 50 %. Et elle profite surtout aux entreprises. Selon les estimations du maire d’Aurillac, près de la moitié des voyages s’inscrit dans un cadre professionnel. Optimiser le taux de remplissage serait donc bénéfique pour l’environnement et apporterait un argument supplémentaire aux partisans de cette ligne. Si tant est qu’ils en aient besoin…

Un article du dossier spécial de L’Express “Ces villes qui font bouger la France”, paru dans l’hebdo du 4 avril.

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