“S’engager en Ukraine” : un nouveau site web de désinformation pro-russe désactivé

“S’engager en Ukraine” : un nouveau site web de désinformation pro-russe désactivé

A première vue, on pourrait presque croire qu’il s’agit d’un site internet officiel de l’armée. Une photo d’Emmanuel Macron avec Volodymyr Zelensky, superposée d’un message : “Soyez parmi les premiers à défendre les intérêts de la France en Ukraine”. Un peu plus haut, un engagement, celui que l’Armée de Terre “recrute et forme 200 000 hommes pour mener des opérations en Ukraine”. Plus bas, la promesse d’un salaire “à partir de 5 000 euros”. Sauf que tout ceci est évidemment… absolument faux.

Ce “faux site internet gouvernemental, relayé par des comptes malveillants pour une campagne de désinformation”, des mots du ministère des Armées sur X, a été désactivé en début de matinée, pour une manœuvre qui ressemble tout droit à d’autres du même type déjà attribuées à des intérêts russes ou pro-russes.

🚨 #Désinformation. L’URL d’un site « s’engager en Ukraine » qui reprend la charte graphique des sites gouvernementaux circule actuellement sur X. Ce site est un faux site gouvernemental, relayé sur les réseaux sociaux par des comptes malveillants, pour une campagne de… pic.twitter.com/SuVUrocVPk

— Ministère des Armées 🇫🇷 (@Armees_Gouv) March 28, 2024

Quelques clics en ligne suffisent à se rendre compte de la supercherie. Le nom de domaine de ce site – sengager-ukraine.fr -, a notamment été déposé par un anonyme le 15 mars 2024, soit le lendemain d’une interview d’Emmanuel Macron aux JT de 20h de TF1 et de France 2. Une prise de parole où le président français avait assuré “assumer” ses déclarations sur le potentiel envoi de troupes françaises en Ukraine.

Des propos controversés qui ont beaucoup fait réagir en France et en Europe, et une brèche dans laquelle la Russie cherche depuis à s’engouffrer pour chercher à saper le soutien occidental à l’Ukraine. Ainsi, le 19 mars, le ministère des Armées avait dû démentir une manœuvre de “désinformation de masse” de la Russie après que le chef du renseignement extérieur de Moscou avait affirmé que la France préparait l’envoi d’un contingent de 2 000 soldats en Ukraine. Sans oublier le démantèlement de “Portal Kombat”, un réseau de plus de 190 sites internet relayant de la propagande pro-russe dans les pays occidentaux.

“La marque d’un dispositif russe ou pro-russe”

Malgré la réactivité pour la désactivation de ce nouveau site mensonger – l’œuvre des services français, selon une source gouvernementale auprès de l’AFP -, ce faux site web pourrait tout de même avoir atteint ses objectifs. En termes de communication, déjà, en étant relayé par de multiples comptes X (ex-Twitter) pro-russes, contribuant toujours à brouiller les esprits. Ce site invitait également les volontaires à laisser leurs coordonnées, laissant présager derrière cette opération de désinformation un objectif de recueil et d’utilisation de données personnelles. Avec un public particulièrement ciblé. “Les immigrés sont prioritaires”, précisait le site, en proposant de discuter avec “Capitaine Paul, commandant d’unité de plus de 100 soldats”.

L’organisme français de lutte contre les ingérences numériques étrangères, Viginum, a contribué à l’enquête, a indiqué à l’AFP le cabinet du ministre, Sébastien Lecornu. “Les services du ministère sont mobilisés aux côtés de Viginum pour faire la lumière sur cette manœuvre informationnelle ciblant la France”, a précisé le cabinet, dénonçant “une usurpation d’un site officiel de l’armée de terre”. La page d’accueil de ce faux site présente ainsi des ressemblances avec le site officiel de l’armée, sans que la copie ne soit pour autant très aboutie. Le message sur X du ministère précise d’ailleurs que l’adresse http://sengager.fr est la seule valide pour s’engager dans l’armée de Terre.

Le ministère des Armées ne désignait officiellement jeudi aucune piste quant aux auteurs du faux. Mais un haut responsable français a indiqué à l’AFP qu’il portait “la marque d’un dispositif russe ou pro-russe, dans le cadre de la campagne de désinformation selon laquelle l’armée française se préparerait à envoyer des hommes en Ukraine” se battre contre la Russie. “Tout converge : le narratif, la méthode. Il y a une manœuvre”, a-t-il ajouté sous couvert de l’anonymat, évoquant, entre autres exemples récents, des images de convois français circulant prétendument vers la frontière ukrainienne diffusées récemment sur les réseaux sociaux.

“La Russie s’affirme comme l’acteur le plus agressif sur le champ informationnel”

Après être longtemps resté sur la défensive face aux assauts informationnels russes, Paris s’est lancé ces dernières semaines dans une dénonciation musclée et méthodique des multiples tentatives de déstabilisation ciblant la France, téléguidées, selon les autorités françaises, par Moscou pour saper le soutien de l’opinion publique à la cause ukrainienne.

Dans une interview au Figaro ce jeudi, le chef de Viginum, Marc-Antoine Brillant, révèle que l’organisme a identifié l’an passé près de 230 phénomènes inauthentiques sur les réseaux sociaux, dont une douzaine d’ingérences étrangères. “C’est 40 % de plus qu’en 2022”, précise-t-il, ajoutant que “la Russie s’affirme comme l’acteur le plus agressif sur le champ informationnel”.

De fait, les attaques informationnelles russes semblent se multiplier contre la France alors que Paris a récemment conclu un accord sécuritaire bilatéral avec Kiev, Moscou dénonçant l'”implication croissante” de Paris dans le conflit. Une stratégie assumée par Emmanuel Macron, qui poursuit dans sa volonté de jouer l’ambiguïté stratégique contre Moscou. Nul doute alors que les manœuvres de déstabilisation russes ne devraient pas faiblir dans un futur proche.

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