TikTok bientôt interdit aux Etats-Unis ? Son PDG et la Chine contre-attaquent

TikTok bientôt interdit aux Etats-Unis ? Son PDG et la Chine contre-attaquent

Face à la montée en puissance de TikTok, la méfiance gagne du terrain. Et a franchi ce mercredi 13 mars un nouveau seuil. Aux Etats-Unis, une proposition de loi vient d’être adoptée par les députés de la Chambre des représentants. Voté à une large majorité par 352 des 432 élus, le texte pose au réseau social un ultimatum : rompre tout lien avec sa maison mère ByteDance dans un délai de 180 jours et plus largement avec la Chine. Ou bien devenir officiellement persona non grata aux Etats-Unis. Comprendre : être exclu des boutiques d’applications d’Apple et de Google.

Interdire TikTok. L’injonction assortie d’une pareille menace est inédite. Jusqu’alors, seule l’Inde avait prononcé l’interdiction nette et définitive de la plateforme chinoise. C’était en 2020, quelques jours après des affrontements meurtriers à la frontière sino-indienne. L’application n’a, depuis, pas été réautorisée. Mais entre-temps, d’autres Etats, et institutions ont emboîté le pas à New Delhi, sans pour autant aller aussi loin. L’an dernier, la Commission européenne, le gouvernement fédéral des Etats-Unis et plusieurs Etats américains ont interdit le téléchargement et l’utilisation de TikTok sur les appareils professionnels de leurs employés. Plus récemment enfin, le gouvernement et le Parlement britanniques ont annoncé l’interdiction du réseau social sur tous leurs appareils.

Ingérence chinoise

Mais depuis plusieurs mois, l’inquiétude grandit outre-Atlantique. De nombreux élus américains se montrent préoccupés par la relation en sous-marin qu’entretiendrait TikTok avec les autorités chinoises. Si elle s’avère être réelle, cette proximité constitue un risque de voir les données de pas moins de 170 millions d’utilisateurs américains absorbés par Pékin. Et à les écouter, les élus ont de bonnes raisons de tirer la sonnette d’alarme.

Car le groupe ByteDance, propriétaire de TikTok, n’aurait pas la latitude d’opposer des fins de non-recevoir au gouvernement chinois. Raison pour laquelle “laisser TikTok continuer à opérer aux Etats-Unis alors qu’il est sous le contrôle du Parti communiste chinois est simplement inacceptable”, a fait valoir l’ancien vice-président républicain Mike Pence dans un communiqué.

Mais le chef de file des démocrates à la Chambre des représentants, Hakeem Jeffries, qui a voté en faveur de la proposition, insiste sur un point : il ne s’agit pas d’interdire TikTok. Mais de “résoudre des questions légitimes de sécurité nationale et de protection des données liées aux rapports du Parti communiste chinois avec un réseau social“, a-t-il à son tour expliqué dans un communiqué.

Le revirement de Trump

Cela fait déjà plusieurs années que les Etats-Unis suspectent la maison mère de TikTok, qui comptent parmi les entreprises les plus valorisées du monde, de collaborer avec le Parti communiste chinois. En 2020 déjà, Donald Trump avait accusé l’application d’espionnage. A l’époque, le milliardaire avait même tenté d’arracher le contrôle de TikTok à ByteDance avant d’en être in fine empêché par les tribunaux américains.

Ce qui rend d’autant plus surprenant le retournement de veste opéré par le même Donald Trump ce lundi 11 mars. Le désormais candidat officiel des républicains s’est en effet opposé à une interdiction de la plateforme en brandissant selon lui, un argument implacable : sa disparition des smartphones américains renforcerait Meta, le propriétaire d’Instagram et de Facebook, qu’il désigne comme un “ennemi du peuple”.

Mais pour certains observateurs, le revirement du chantre de MAGA (pour Make America Great Again, slogan de campagne utilisé par Ronald Reagan lors de la campagne présidentielle de 1980 et reprise par Donald Trump) puise sa source dans un tout autre récit : un des principaux investisseurs de TikTok, Jeff Bass, aurait menacé de ne plus contribuer au financement de campagnes électorales des républicains.

Un sort encore incertain

La Chine a dénoncé jeudi des “méthodes de voyou” après ce vote au Congrès américain. “Si un soi-disant prétexte de sécurité nationale peut être utilisé pour écarter arbitrairement des entreprises performantes d’autres pays, alors il n’y a plus d’équité ni de justice”, a fustigé Wang Wenbin, un porte-parole du ministère des Affaires étrangères, ajoutant : “Quand quelqu’un voit une bonne chose d’une autre personne et veut la lui prendre, ce sont tout à fait des méthodes de voyou”.

Face à cette menace, le PDG de TikTok, Shou Zi Chew, a appelé ses 170 millions d’utilisateurs aux Etats-Unis à réagir massivement. “Faites-vous entendre”, a-t-il lancé sur TikTok et sur le réseau social X après le vote, à moins de huit mois de l’élection présidentielle de novembre. “Nous ne cesserons pas de vous défendre et nous continuerons à faire tout ce qui est en notre pouvoir, y compris en exerçant nos droits légaux, pour protéger cette formidable plateforme que nous avons construite avec vous”, a-t-il ajouté. Le dirigeant a aussi estimé que la loi mettait en danger “300 000 emplois” aux Etats-Unis, menaçant notamment de priver des “petites entreprises qui dépendent de TikTok” de “milliards de dollars” de revenus.

Dans une lettre adressée aux défenseurs du projet de loi, et dont nos confrères de l’AFP ont pris connaissance, le vice-président de TikTok chargé de la politique publique, Michael Beckerman a de son côté déploré “une législation, adoptée à une vitesse sans précédent sans même avoir bénéficié d’une audience publique”.

Si l’entreprise menacée aux Etats-Unis tente de sauver la face, le PDG de TikTok a toutefois estimé nécessaire de faire le déplacement jusqu’à Washington. Tenter le tout pour le tout, et surtout, bloquer le projet de loi, dont l’issue n’est à ce jour pas garantie. Le texte doit encore franchir l’étape du Sénat, où des personnalités de premier plan s’opposent à une mesure aussi radicale à l’encontre d’une application extrêmement populaire.

Reste que dans le cas où le texte viendrait à être avalisé par les deux chambres, l’actuel président américain Joe Biden s’est d’ores et déjà engagé à le promulguer.

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