Violences des jeunes : l’internat éducatif, l’histoire d’un vieux serpent de mer

Violences des jeunes : l’internat éducatif, l’histoire d’un vieux serpent de mer

50 000 places d’internat vides ? “C’est fou quand on y pense”, lance mine de rien Gabriel Attal. En visite au lycée du Parc impérial de Nice ce lundi 22 avril, le Premier ministre s’est engagé à “placer beaucoup plus de jeunes en internat”. L’objectif ? Lutter contre les violences entre mineurs, et notamment, “éviter qu’ils dérivent“, selon la formule du locataire de Matignon.

Il faut dire que depuis son passage à l’Education nationale, Gabriel Attal a fait du retour à l’autorité une priorité. N’a-t-il pas déclamé lors de son discours de politique générale le 30 janvier dernier : “Tu casses, tu répares. Tu salis, tu nettoies. Tu défies l’autorité, on t’apprend à la respecter” ? Mais ce lundi, en suggérant un recours plus fréquent à l’internat, Gabriel Attal a déterré un vieux serpent de mer.

Internats d’excellence, ERS… Les vestiges de l’ère Sarkozy

L’internat ? A l’Elysée, Nicolas Sarkozy en avait fait son cheval de bataille. En 2010, son ministre de l’Education nationale, Luc Chatel, avait donné le coup d’envoi des “internats d’excellence”. Des établissements ouverts aux enfants issus de milieux défavorisés censés leur permettre de grimper dans le sacro-saint ascenseur social. Au même moment, les “établissements de réinsertion scolaire”, dit ERS, ont vu le jour.

À l’inverse des “internats d’excellence”, qui accueillent les candidats “méritants” sur dossiers, les ERS sont destinés aux élèves “polyexclus” âgés de 13 à 16 ans, décrits comme “perturbateurs”. Les mineurs y sont placés de façon temporaire et sur décision judiciaire uniquement. “Maison de correction” pour les uns, “réponse courageuse à une problématique réelle” pour les autres, l’ERS patine à ses débuts. Selon un rapport du ministère de l’Education nationale publié en 2012, sur 1 500 à 2 000 élèves “polyexclus”, seuls 140 avaient été intégrés dans ces établissements.

Mais un an plus tard, le dispositif Chatel qui commence à faire ses preuves, est détricoté par Vincent Peillon, ministre de l’Education nationale de François Hollande. Trop coûteux, juge-t-il à l’époque. Mais surtout, trop inégalitaire, les internats d’excellence favorisant selon lui, les élèves issus de milieux aisés. Exit donc les ERS, et place désormais à la transformation des internats “d’excellence pour quelques-uns” sous Nicolas Sarkozy, en “établissements de réussite pour tous”.

Blanquer, le ministre qui a tenté de dépoussiérer l’internat

Tout juste installé rue de Varenne, Jean-Michel Blanquer jette un pavé dans la mare en annonçant son “grand plan” baptisé “internats du XXIe siècle” en 2018. Le projet a le mérite d’être ambitieux : renouer avec l’âge d’or des internats, en créant des filières d’excellence dans une centaine de lycées. Nostalgie sarkozyste ? Du tout ! Le ministre de l’Education nationale d’Emmanuel Macron souhaite dépoussiérer l’image de l’internat, en créant des établissements où riment “rigueur et bonheur”. Un cadre “pour bien dormir et bien travailler, et des possibilités qu’on n’a pas forcément chez soi, en matière de sport, de culture”, plaide alors l’ancien recteur de Créteil.

L’internat “façon Blanquer” doit ainsi agir comme un booster de réussite académique, notamment pour les élèves issus de milieux ruraux. Le ministre défend notamment le “brassage républicain”. Et martèle : les internats ne sont “pas du tout” destinés uniquement aux élèves issus de Rep (quartiers défavorisés, NDLR), assurant que seule la “motivation” des élèves sera prise en compte, “pas le niveau”. Force est de constater que lexique n’a pas grand-chose à voir avec celui de l’actuel Premier ministre.

Vers un retour des ERS ?

Ce lundi, plutôt que de dépeindre l’internat en ascenseur social, Gabriel Attal présente le dispositif comme une solution permettant d’endiguer la violence qui cimente les rapports des jeunes entre eux. “La première victime de la violence de la jeunesse, c’est la jeunesse elle-même”, a notamment fait valoir le Premier ministre jeudi dernier. Avant de s’engager ce lundi à placer davantage de jeunes en internat, y compris pendant les périodes de vacances scolaires. “Beaucoup de parents dépassés pourraient y voir un intérêt”, avance notamment le chef du gouvernement.

Si ce discours apparaît comme un point de rupture dans la rhétorique jusqu’alors utilisée pour convaincre de l’intérêt du recours au placement en internat, il est une réponse parmi d’autres aux drames survenus ces dernières semaines. À Viry-Châtillon, où un adolescent de 15 ans est décédé après avoir été agressé par une bande d’adolescents. À Montpellier, où une jeune fille de 13 ans, traitée de “kouffar” (“mécréante” en arabe), a été rouée de coups devant son collège. A Paris, où un proviseur de lycée a démissionné après avoir reçu des menaces de mort. Aux quatre coins de l’hexagone, où des centaines de lycée ont reçu des menaces d’attentat.

Ainsi, Gabriel Attal relance le débat du placement en internat en le présentant comme un rempart contre le basculement dans la délinquance, permettant de juguler l’agressivité des jeunes. Des internements de “prévention” donc, à rebours des ERS de Nicolas Sarkozy, qui s’apparentaient davantage à une forme de punition.

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