Discours sur la violence des jeunes : le pari de Gabriel Attal

Discours sur la violence des jeunes : le pari de Gabriel Attal

Sortir de sa propre caricature. Depuis qu’il est à Matignon, comme avant d’y être nommé, Gabriel Attal ne lésine pas sur la communication qu’il veut la plus novatrice. Mercredi 17 avril encore, il interpelle, sur TikTok, les plus jeunes de ses concitoyens, à l’occasion de ses 100 premiers jours comme Premier ministre : “Je te propose de poser des questions en commentaire de cette vidéo et je répondrai aux questions les plus likées.” On n’a pas souvenir que Pierre Messmer ait agi de la sorte. De même qu’on ne se rappelle pas Edouard Balladur posant en jeans, baskets, t-shirt sur les marches de l’hôtel Matignon en train de caresser un chow-chow, un cliché aussitôt posé sur Instagram. Seule reste en mémoire la photo, un tantinet ridicule, de Jacques Chirac en 1987, assis en tailleur avec un walk-man sur les oreilles mais avec des chaussettes fines noires trahissant le déguisement.

Mais Gabriel Attal a une autre ambition, plus classique, plus traditionnelle : redonner des lettres de noblesse aux discours politiques. Et donc être là où on n’attend pas forcément le plus jeune Premier ministre de la Ve république. Le 5 octobre 2023, il est encore ministre de l’Education nationale, cela ne l’empêche pas de soigner et de solenniser le cadre de son intervention : drapeaux tricolore et européen sur le côté, pupitre avec le slogan “unis pour notre école”, lieu prestigieux. Sur l’esplanade de la bibliothèque François Mitterrand à Paris, il prononce un discours sur le métier d’enseignant, dans lequel il annonce le lancement d’une mission “exigence des savoirs”, qui débouchera sur le fameux “choc des savoirs” avec ses groupes de niveau dont ne veut pas entendre la nouvelle ministre de l’Education, Nicole Belloubet. “Tout cela manque de simplicité”, grognent certains macronistes. Lui n’en a cure, il songe à sa marque.

“Vive la jeunesse de France, vive la République et vive la France !” : pupitre bleu-blanc-rouge comme celui d’Emmanuel Macron ou de François Mitterrand, drapeaux européen et tricolore encore et toujours, le chef du gouvernement récidive ce jeudi 18 avril, à Viry-Châtillon, là où a été tué Shemseddine, 15 ans, tabassé près de son établissement scolaire. “C’est de toute notre société, de tout notre pays, c’est des Français que je voudrais parler”, annonce-t-il d’emblée. Son allocution est retransmise en direct sur BFMTV, LCI, CNews, Franceinfo, signe qu’il réussit encore à susciter l’intérêt et la curiosité.

A Matignon, la parole vaut moins que le résultat

L’emphase n’est jamais loin – “Aujourd’hui c’est la République qui contre-attaque” -, les formules martiales jamais rares – “La culture de l’excuse, c’est fini” -, les citations sont puisées chez les plus grands, De Gaulle et Jaurès. Son ode à l’autorité est contredite par le bilan du président, alors il prend soin de le citer dans presque toutes ses phrases. Exactement comme pour la mission sur les savoirs annoncée devant la Bibliothèque François Mitterrand, il laisse “huit semaines” pour la concertation sur la violence des mineurs. “On aurait préféré un premier projet de loi sur le logement plutôt que sur la justice des mineurs”, bougonnent certains macronistes. Lui n’en a cure, il songe à sa marque.

L’avantage des discours, c’est qu’ils permettent de délivrer à la virgule près le message souhaité par l’auteur. L’inconvénient des discours, c’est qu’ils laissent des traces et se retournent parfois contre leur auteur. La fameuse botte de foin, décor d’un autre discours, celui adressé au monde agricole le 26 janvier, est restée en travers de la gorge de plusieurs acteurs du secteur, et n’a pas totalement facilité, au-delà du premier effet positif, la solution de la crise.

La politique, c’est parler, disait en son temps Philippe Séguin. Lequel n’avait jamais été Premier ministre. A Matignon, et encore plus aujourd’hui qu’autrefois, la parole vaut moins que le résultat. C’est en cela que la réhabilitation des discours tentée par Gabriel Attal est un pari : je parle, donc j’agis.

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