A Sète, le Miam accumule les oeuvres en toute liberté et modestie

A Sète, le Miam accumule les oeuvres en toute liberté et modestie

Hervé Di Rosa se plaît à le marteler : “Il n’y a pas d’œuvre modeste, il n’y a que des collections modestes.” Démonstration en est faite au Musée international des arts modestes (Miam) de Sète, que l’artiste a cofondé avec Bernard Belluc il y a vingt-trois ans. Opportunément intitulée Libres !, une double exposition d’œuvres et d’objets issus des acquisitions de deux couples de collectionneurs se déploie sur autant de niveaux.

Au rez-de chaussée, 300 pièces ont été extraites de l’intérieur montpelliérain surpeuplé de François Bebing et de Donald Legere qui en compte 1 800. On y retrouve les compositions des chevilles ouvrières de la figuration libre, Di Rosa, Boisrond, Combas et Blanchard, mais aussi quelques perles de la peinture contemporaine signées Vincent Bioulès, Manuel Ocampo ou Yan Pei-Ming. Au milieu s’immiscent des statues et des figurines insolites témoignant d’une appétence affranchie de toute contrainte pour ces œuvres dont l’improbable association crée la surprise à chaque pas. Cerise sur le gâteau, un cabinet – dans tous les sens du terme – où se côtoient une multitude de petits tableaux, des objets africains, des textiles colorés, des croix en relief bariolées et même… un nain de jardin.

Vue des toilettes des collectionneurs FB/DL.

Collectionneur compulsif depuis plus de soixante ans, François Bebing a été à bonne école : quand il était enfant, ses parents consacraient un dimanche par mois à la beauté, le trimballant de monuments en églises, de musées en paysages remarquables. De quoi lui instiller le virus de l’art… ou de l’en dégoûter à jamais. C’est la première option qui s’imposera au jeune homme. A 15 ans, en 1958, avec ses appointements de stagiaire dans un hôtel de Vichy, il acquiert sa première œuvre, un petit dessin signé Dali qu’il rencontre d’ailleurs à cette occasion. L’échange est choc avec le surréaliste fantasque, aussi surpris que charmé par le jeune âge de son acquéreur. Depuis, Bebing n’a pas arrêté, privilégiant les coups de cœur et l’amitié : “J’aime connaître les artistes que je collectionne.” Déjà présent au côté d’Hervé Di Rosa à la fondation du Miam, il a réuni un ensemble impressionnant d’œuvres, dont certaines inédites, de l’artiste.

A l’étage, l’impression de pénétrer une caverne d’Ali Baba grandit encore. Les pièces accumulées par Maryvonne et Jean Binder dans leur appartement de Chalon-sur-Saône s’y côtoient dans un incroyable bric-à-brac autour de deux peintres de la seconde génération du surréalisme un peu oubliés : le dérangeant Félix Labisse (1905-1982), adepte de l’occulte, et l’inclassable Lucien Coutaud (1904-1977), inventeur de l’éroticomagie. D’eux, les Binder ont hérité une fascination pour la magie noire, d’où l’abondance d’objets et de statuettes brésiliennes chinés au fil des décennies et posés pêle-mêle sur les quatre dessus de cheminée de l’appartement du couple que les commissaires de l’exposition, Françoise Adamsbaum et Norbert Duffort, ont reconstitués.

Chez les Binder, les cultures et les époques s’entremêlent en toute liberté : ici un Marsupilami, là une sculpture en marbre du XIXe siècle, des chandeliers, des fossiles, des colliers… Plus loin, une vanité memento mori en marbre de Florence, une belle tête d’évêque bûchée pendant la Révolution française et le fameux mannequin nu de Labisse que les collectionneurs ont recouvert d’un voile transparent. Pas de doute, on est bien chez Eros et Thanatos : sexe, religion, mort.

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