Agriculture : ce règlement européen qui pourrait raviver la colère des éleveurs bovins

Agriculture : ce règlement européen qui pourrait raviver la colère des éleveurs bovins

Une allumette sur une botte de foin sèche. A quelques semaines des élections européennes, un texte européen pourrait bien embraser à nouveau les campagnes françaises. En cause, une loi mitonnée à Bruxelles, au cœur du Pacte vert cher à la présidente de la Commission Ursula von der Leyen : le règlement européen sur la déforestation, le RDUE, en langage bruxellois. Quatre petites lettres pour ce qui est présenté comme le texte le plus ambitieux au monde pour lutter contre ce mal endémique. Ce règlement, voté en 2022 et qui doit entrer en vigueur au 31 décembre de cette année, vise à interdire la mise sur le marché européen, et donc la vente, d’une série de produits essentiellement alimentaires – ainsi que les produits transformés – participant à la déforestation ou à la dégradation des forêts, aussi bien dans l’Union européenne que dans le reste du monde.

Louable ambition. D’après les estimations de la Commission, quelque 420 millions d’hectares de forêts ont disparu de la surface de la planète entre 1990 et 2020. Un désastre écologique qui, malgré de nombreuses alertes lancées par les ONG, est toujours en cours. Si l’on en croit le dernier rapport du World Resources Institute, les régions tropicales, notamment, ont perdu 3,7 millions d’hectares l’an passé, soit l’équivalent de 10 terrains de football par minute.

Dans la liste des produits incriminés, on trouve le café, le cacao, l’huile de palme, le soja, le bois, le caoutchouc… et les bovins. L’élevage de bœuf qui, d’après les experts de Bruxelles, serait la principale source de déforestation sur la planète. Au Brésil ou en Argentine, de gigantesques étendues vierges sont rasées ou défrichées chaque année pour laisser paître des centaines de millions de vaches. Si les importations européennes de bœuf ne représentent que 5 % du commerce mondial de viande bovine, l’impact potentiel de ce règlement européen n’est pas négligeable sur la biodiversité.

Concrètement, pour commercialiser des lasagnes ou des steaks hachés sur le continent européen, un industriel devra prouver par géolocalisation que la parcelle sur laquelle l’animal a grandi n’a pas été déforestée depuis le 1er janvier 2020. Une obligation répercutée en cascade sur toute la chaîne d’approvisionnement, et qui atterrit forcément entre les mains des éleveurs. Que cette fameuse parcelle soit située dans les vertes prairies limousines ou en plein cœur de la pampa argentine. “Cela fait des décennies que l’élevage n’entraîne aucune déforestation en Europe, et notamment en France”, s’agace Pascal Lavergne, député Renaissance, éleveur bovin et rapporteur de la loi agricole présentée récemment en Conseil des ministres. Une loi qui vise justement à lutter contre l’enfer normatif et l’inflation administrative. “Si c’est pour avoir une nouvelle encyclopédie à remplir alors que les éleveurs français ne sont absolument pas en cause, il faut revoir le texte”, tonne l’élu de Gironde.

Sauf qu’en raison des fameuses règles de réciprocité, régulièrement brandies par ceux qui dénoncent les accords de libre-échange, si l’Europe impose aux agriculteurs sud-américains de fournir la preuve de la localisation de leurs troupeaux, les éleveurs européens doivent être logés à la même enseigne. “C’est le principe de non-discrimination imposé par le règlement de l’Organisation mondiale du commerce. En ne le respectant pas, on expose l’Union européenne et les Etats membres à des plaintes auprès de l’OMC”, détaille un haut fonctionnaire de la Commission.

En attendant, le sujet devient très politique. Lors du dernier Conseil européen regroupant les ministres de l’Agriculture fin mars, le sujet a été inscrit à l’ordre du jour et l’Autriche a officiellement demandé le report du texte. Une demande soutenue par plusieurs Etats européens, dont les Pays-Bas. La France, elle, n’est pas sortie du bois. Et pour cause. Le dossier est explosif dans l’Hexagone. L’exécutif se retrouve coincé entre ses promesses de simplification faites aux agriculteurs et ses engagements écolos. “Une véritable usine à gaz”, souffle-t-on au cabinet de Marc Fesneau, le ministre de l’Agriculture. L’exemple idoine de la bonne idée qui vire au cauchemar administratif… et politique.

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