Après la France, les Etats-Unis chassés du Niger : quelles forces occidentales encore sur place ?

Après la France, les Etats-Unis chassés du Niger : quelles forces occidentales encore sur place ?

Clap de fin. Les Etats-Unis vont retirer leur millier de soldats du Niger à la demande du régime de Niamey issu du coup d’Etat de juillet, sur fond de montée en puissance de la Russie dans la région. Le numéro deux de la diplomatie américaine, Kurt Campbell, a accepté, samedi 30 avril, la demande des autorités nigériennes lors d’une rencontre à Washington avec le Premier ministre Ali Mahamane Lamine Zeine. Les plus de 1 000 soldats américains présents dans le pays étaient engagés dans la lutte antidjihadiste au Sahel et disposaient d’une importante base de drones à Agadez (nord), construite pour environ 100 millions de dollars.

Le nouvel accord prévoit l’envoi d’une délégation américaine au Niger dans les prochains jours pour s’accorder sur les détails du retrait des troupes. De son côté, le département d’Etat américain n’a pas immédiatement réagi de manière officielle. Le calendrier du retrait n’a pas été précisé.

Après le coup d’Etat qui a renversé le président élu Mohamed Bazoum le 26 juillet dernier, le nouveau régime militaire a rapidement exigé le départ des soldats de l’ex-puissance coloniale française et s’est notamment rapproché de la Russie, comme le Mali et le Burkina Faso voisins, eux aussi gouvernés par des militaires. À noter que les derniers soldats français ont quitté le pays fin décembre.

Les Etats-Unis, de leur côté, faisaient profil bas, espérant éviter le même sort. Cet été, ils avaient mis deux mois avant de condamner le coup d’Etat : Washington avait préféré privilégier le dialogue contrairement à leurs homologues français. Mais le mois dernier, le pouvoir nigérien a dénoncé l’accord de coopération militaire signé en 2012 avec les Etats-Unis, estimant que celui-ci avait été “imposé unilatéralement” par Washington et que la présence américaine était désormais “illégale”. “C’est une éviction qui plante le dernier clou dans le cercueil de la stratégie des États-Unis” face au terrorisme islamiste dans le Sahel, a estimé The Wall Street Journal, traduit par Courrier International. En décembre, un général américain a fait savoir que les Etats-Unis étaient en discussion pour baser ses drones dans d’autres pays de la région.

Moscou étend son influence

Désormais, les derniers pays occidentaux à avoir des troupes au Niger sont l’Allemagne et l’Italie. Il faut dire que même sur le volet du Sahel, l’Union européenne n’a pas su faire front commun. Au contraire de son partenaire français, l’Allemagne a essayé de maintenir des canaux de communication avec les juntes militaires. Mais Berlin va-t-il connaître le même sort que la France ? Alors que le ministre allemand de la Défense, Boris Pistorius, était en visite au Niger en décembre 2023, il a réitéré sa volonté de poursuivre sa coopération sur le terrain. Ce à quoi, son homologue nigérien, le général Salifou Modi, a répondu : “Dans ce cadre, nous allons voir avec les Allemands les nouvelles conditions, les nouvelles dispositions à prendre. Dans tous les cas, ce qu’il faut retenir, c’est que le stationnement des troupes étrangères au Niger va être désormais soumis à l’appréciation des Nigériens.”

Sans surprise, les troupes occidentales sont progressivement remplacées sur le terrain par celles de Moscou. Mercredi 10 avril, des instructeurs russes sont arrivés à Niamey, tandis que les autorités du pays réceptionnaient leur première livraison de matériel militaire russe dans le cadre de la nouvelle coopération sécuritaire avec le Kremlin. Deux jours plus tard, Africa Corps – perçu comme le successeur de la société paramilitaire Wagner en Afrique – a confirmé son arrivée dans le pays. La fédération de Russie va “doter” le Niger et “installer un système de défense antiaérien” capable “d’assurer le contrôle total de notre espace aérien”, a affirmé la télévision nigérienne.

Les mercenaires russes pourraient donc encore jouer un rôle important au Sahel, en 2024, malgré la mort de leur patron Evgueni Prigojine, qui avait contesté le leadership du Kremlin dans la guerre en Ukraine en août dernier. Fin mars, le chef du régime militaire au Niger, le général Abdourahamane Tiani, s’était entretenu au téléphone avec le président russe Vladimir Poutine pour discuter notamment du “renforcement” de leur coopération sécuritaire, selon un communiqué officiel nigérien.

Au Niger, comme au Burkina et au Mali voisins, la situation sécuritaire s’est fortement dégradée depuis le départ des soldats français. Les trois pays sont confrontés à des violences djihadistes récurrentes et meurtrières depuis des années, perpétrées par des groupes affiliés à Al-Qaïda et à l’Etat islamique (EI). Alors que les gouvernements civils ont été renversés par des coups d’Etat militaires successifs depuis 2020, les Occidentaux craignent de voir la formation d’un corridor djihadiste, alors que 23 militaires ont été tués au Niger, le 21 mars, dans une embuscade tendue par des terroristes.

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