Après l’attentat de Moscou, l’inquiétant retour du terrorisme “téléguidé”

Après l’attentat de Moscou, l’inquiétant retour du terrorisme “téléguidé”

Ici, il n’est pas question d’évoquer la figure du “loup solitaire”. Ce vendredi 22 mars, peu avant 19 heures, un groupe d’individus en tenue de camouflage entre dans le Crocus City Hall, une salle de concert de la banlieue moscovite. Des rafales se font entendre, suivi d’un mouvement de foule, avant de nouveaux tirs, méthodiques, sur les personnes tentant de s’enfuir. Le bilan est lourd : au moins 139 morts, dont trois enfants. Quelques heures plus tard, le groupe terroriste Etat islamique au Khorassan revendique la tuerie. Par son mode opératoire et son ampleur, l’attaque à Moscou évoque les attaques les plus meurtrières sur le sol européen.

A plus de 2 600 km de là, la France se remémore ainsi les scènes du Bataclan, et relève le plan Vigipirate à son niveau le plus élevé, “urgence attentat”, abaissé depuis janvier. Le groupe EIK “avait conduit ces derniers mois plusieurs tentatives sur notre propre sol”, a expliqué Emmanuel Macron lors d’un déplacement en Guyane lundi 25 mars. Et le Premier ministre Gabriel Attal de compléter que deux projets d’attentat avaient été “déjoués” depuis janvier. Le chef du gouvernement a promis de déployer des “moyens exceptionnels […] partout sur le territoire”, dont “4000 militaires supplémentaires” qui ont été placés “en alerte”.

Douloureux constat pour l’Europe. On ne parle pas ici d’une “recrudescence du terrorisme djihadiste”, qui n’avait de toute façon jamais quitté le continent. Celui, plutôt, du retour des attaques “téléguidées” depuis l’étranger, au loin, sur un territoire qui ambitionne de devenir un nouveau califat. Fondée en 2015 aux confins de l’Afghanistan et de la province iranienne du Khorassan, l’EI-K est aujourd’hui l’une des branches les plus actives de Daech. A la différence d’autres émanations de l’Etat islamique, comme celle se développant au Sahel, l’EI-K entend étendre son action bien au-delà d’une seule région du monde. L’organisation avait signifié cette volonté dès 2021, avec des attaques au Pakistan, en Inde, ou encore au Tadjikistan. Elle a franchi un palier supplémentaire avec celle menée à Moscou, dont l’envergure et la sophistication ont démontré ses capacités d’organisation.

La perte d’influence de Daech, commanditaire des attaques du 13 novembre, avait laissé présumer un remplacement du terrorisme “commando” par un “djihadisme d’atmosphère” : des attaques isolées, sans donneur d’ordre, venant d’individus influencés par l’idéologie djihadiste. La formule, forgée dès 2021 par l’islamologue Gilles Kepel, avait gagné en visibilité après l’assassinat de Dominique Bernard à Arras le 13 octobre 2023 et, deux mois plus tard, l’attentat du pont de Bir-Hakeim à Paris. La montée en puissance de l’EI-K rappelle que nous allons devoir désormais composer avec deux formes de terrorisme qui, loin de se substituer l’une à l’autre, semblent complémentaires.

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