Colère des agriculteurs : Bruxelles veut revenir sur des règles vertes de la PAC

Colère des agriculteurs : Bruxelles veut revenir sur des règles vertes de la PAC

Jachères, haies, rotation des cultures… La Commission européenne rétropédale. Vendredi 15 mars, l’exécutif européen a proposé des révisions législatives. Objectif : alléger drastiquement les règles environnementales de la Politique agricole commune (PAC), représentant un tiers du budget communautaire. Pour rappel, la nouvelle PAC (2023-2027), entrée en vigueur l’an dernier, impose aux agriculteurs de respecter une série de critères environnementaux stricts en échange des paiements européens.

Sauf qu’à l’approche des élections européennes, prévues du 6 au 9 juin, et alors que l’extrême droite est bien placée pour rafler la mise, les Vingt-Sept revoient leur priorité. Afin d’apaiser la colère des exploitants agricoles européens, Bruxelles fait marche arrière sur ses avancées écologiques. Au risque de tailler en pièces les acquis verts. “L’objectif est d’alléger davantage la charge administrative, de donner aux agriculteurs comme aux États une plus grande flexibilité pour se conformer à certaines conditions, sans réduire le niveau global d’ambition environnementale”, tente de rassurer la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen.

Ces propositions visent à assouplir fortement les critères environnementaux, voire à en supprimer certains, au grand dam des ONG écologistes. Parmi les conditions “vertes” sur la sellette : les exploitations doivent actuellement laisser au moins 4 % des terres arables en jachères ou surfaces non productives (haies, bosquets, mares…). La Commission avait déjà suspendu ce critère de façon temporaire pour 2023, puis partiellement pour 2024.

L’obligation de jachères aux oubliettes

Ce critère sera désormais supprimé, ne laissant plus que l’interdiction de tailler les haies pendant les périodes de nidification. “Il était vraiment difficile pour les agriculteurs d’accepter” ces obligations de jachères, mais ils pourront toujours choisir de le faire sur une base volontaire en échanges de primes (“éco-régimes”), a indiqué à l’AFP le commissaire européen à l’Agriculture, Janusz Wojciechowski.

Bruxelles veut aussi s’attaquer à d’autres “conditionnalités” fustigées par les organisations agricoles, qui les jugent impraticables face aux aléas climatiques et aux difficultés économiques. Bruxelles reculerait donc sur l’obligation (entrée en vigueur cette année) de rotation des cultures, avec une culture différente de l’année précédente sur 35 % des terres arables. Elle serait remplacée par une simple “diversification” des cultures. Pour l’interdiction de sols nus durant les périodes sensibles, “l’idée serait que ces périodes ne soient pas rigides, que l’État membre puisse les définir de manière flexible en tenant compte des différences régionales”, a souligné Janusz Wojciechowski, en marge d’une conférence de presse en Pologne.

Des mesures rétroactives

Autre changement majeur : la Commission propose d’exempter des contrôles liés aux conditions environnementales, et des pénalités, les petites exploitations de moins de 10 hectares — qui représentent 65 % des bénéficiaires de la PAC, mais ne couvrent que 9,6 % des surfaces. “Le nombre d’exploitations de ce type varie d’un pays à l’autre, mais en Pologne, par exemple, elles représentent les trois quarts de l’ensemble des exploitations”, note le commissaire européen. Enfin, les États ne seraient plus obligés de modifier leurs “plans stratégiques” nationaux d’application de la PAC en fonction de l’évolution des législations environnementales et climatiques de l’UE. Le ministre français de l’Agriculture, Marc Fesneau, s’est “réjoui des avancées obtenues”.

La @EU_Commission vient de publier des mesures de simplification très attendues que j’ai portées depuis plusieurs semaines à Bruxelles au nom de la France.

Elles concernent à la fois la Politique agricole commune (PAC) et l’amélioration de la place des agriculteurs dans la… https://t.co/RBd5bsUA2a

— Marc Fesneau (@MFesneau) March 15, 2024

“La plupart de ces changements entreront en vigueur en 2025, mais en s’appliquant rétroactivement au 1er janvier 2024, ce qui signifie que les agriculteurs […] ne seront pas sanctionnés pour ne pas avoir respecté ces conditionnalités” dès cette année, reprend Janusz Wojciechowski auprès de l’AFP. Ces mesures seront discutées par les Vingt-Sept en fin de semaine prochaine, lors du sommet des 21 et 22 mars dans la capitale belge.

De leurs côtés, les associations écologistes dénoncent un démantèlement “électoraliste” de l’architecture verte de la PAC. Sans aucune garantie de calmer la colère du milieu agricole. En lâchant du leste, Bruxelles offre un cadeau aux agriculteurs. En espérant qu’il ne soit pas empoisonné.

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