Flippers, baby-foot, jeux vidéo… La Monnaie de Paris se transforme en salle d’arcade

Flippers, baby-foot, jeux vidéo… La Monnaie de Paris se transforme en salle d’arcade

Leur âge d’or s’étire sur trois décennies, de la fin 1960 à la fin 1990. Mais, dès les années 1950, les jeux automatiques à pièces surgissent dans les cafés. Les exploitants démarchent alors les débits de boisson de l’Hexagone pour y installer flippers et baby-foot, et partager les bénéfices avec le patron. Très vite, ces machines lumineuses et bruyantes incarnant une nouvelle forme de sociabilité séduisent la jeunesse, celle notamment des “bandes” et des “blousons noirs”, perçue comme turbulente, oisive, voire déviante. Quand la France, en pleine croissance, entre de plain-pied dans la société de consommation, le phénomène s’amplifie. Avec ses propres références, pour beaucoup issues d’outre-Atlantique, les jeunes constituent désormais un groupe social à part entière. Les yéyés dansent autour du juke-box, nouveau venu au bistrot. Le baby trouve sa forme définitive, qui a toujours court aujourd’hui chez les fabricants. Le flipper innove pour s’engager dans l’ère électromécanique.

A la Monnaie de Paris, jusqu’au 30 juin, c’est comme si on y était. Une plongée dans l’effervescence de ces années-là avec, sur fond de décors rappelant les cafés et salles d’arcade, les fameuses machines de divertissement à pièces. Pour favoriser l’immersion des visiteurs, le musée n’a pas hésité à éditer, dans son usine de Pessac (Gironde), des jetons spécifiques que chacun reçoit à l’entrée de l’exposition pour pouvoir activer les jeux, tous fonctionnels, dans les conditions réelles de l’époque.

Bruit, fureur, excitation, découverte, ou nostalgie pour certains, sont donc partie prenante de la visite, qui interroge en arrière-plan la valeur et l’usage de l’argent – de poche, principalement – chez ce public majoritairement adolescent. Le parcours Insert Coin, ainsi que l’ont baptisé les maîtres d’œuvre de l’exposition Nicolas Galiffi et Jean-Baptiste Clais, deux spécialistes de la pop-culture, ne néglige aucun détail, du prix de la baguette ou de la place de cinéma, décennie après décennie. Se rappelle-t-on que, dans les années 1980, le ticket de métro coûtait 3 francs, un peu plus cher qu’une partie de jeu vidéo (2 francs) ?

Face à la concurrence de Pong, bientôt suivi de Space Invaders, surgis au cours des années 1970, les fabricants de flippers introduisent l’électronique dans leurs bécanes, empruntant au passage les thèmes en vogue dans la littérature jeunesse ou sur le grand écran : science-fiction, univers spatial, western… Des salles d’arcade s’installent un peu partout pour offrir aux passionnés une plus grande diversité de jeux. La course effrénée à l’innovation se poursuit au cours de la décennie suivante, qui voit le perfectionnement tant technique que graphique des machines, la propagation des bornes standardisées et l’arrivée de Pac-Man, qui incarnera des années durant l’engouement des joueurs pour le high score : passer des heures à tenter de battre le record en cours, préfigurant ce qu’on appellera plus tard l’e-sport.

“Arkanoid” (bonne d’arcade), 1986.

Fin de partie avec l’avènement du numérique qui va rebattre les cartes du divertissement collectif, l’arrivée graduelle d’Internet, des consoles portables et des smartphones métamorphosant progressivement les pratiques : le jeu devient individuel, le comptoir perd sa place de lieu incontournable où l’on se rencontre et s’amuse. Et même si, à la fin des années 2000, les geeks peuplant les start-up remettent au goût du jour les flippers et autres baby-foots devenus ringards, ils restent circonscrits à l’entreprise ou à la maison : exit les pièces de monnaie, place au free to play, en accès libre au bureau comme chez soi.

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