Dans l’édition, une inédite valse des transferts

Dans l’édition, une inédite valse des transferts

On a déjà évoqué le sujet ici, en novembre dernier, mais on ne peut s’empêcher d’y revenir, tant le phénomène, intarissable, prend de l’ampleur, chaque jour apportant son lot d’annonces. De mémoire d’observateur littéraire, on n’a jamais vu une telle valse des transferts. Hier, la plupart des transfuges quittaient un “petit” éditeur pour aller chez un grand, ainsi de Fred Vargas, migrant en 2015 de Viviane Hamy vers Flammarion, ou de Franck Bouysse, délaissant la Manufacture de livres pour Albin Michel en 2020 (puis pour Phébus). Aujourd’hui, aucune maison d’édition n’est épargnée par la fuite de ses auteurs phares, pas même les plus prestigieuses, telle Gallimard, qui a perdu Jean-Christophe Rufin, parti chez Calmann-Lévy, Marc Dugain, en route pour Albin Michel, Aurélien Bellanger, réfugié au Seuil, ou encore Gilles Kepel.

A l’inverse, la maison a opéré une belle prise avec Salman Rushdie, auteur d’Actes Sud, dont elle publie Le Couteau à la mi-avril. Si Albin Michel engrange ces temps-ci avec Tatiana de Rosnay lâchant EHO, Simonetta Greggio venue de chez Stock ou Grégoire Delacourt, ex-auteur Grasset, dont on annonce La Liste 2 mes envies pour le 17 avril, rappelons qu’elle a perdu son Goncourt Pierre Lemaitre en 2020, embarqué chez Calmann-Lévy, et que Ian Manook publie début avril chez Flammarion, tandis que Françoise Chandernagor sortira un récit, L’Or des rivières, chez Gallimard fin avril… Bref, nul n’est à l’abri d’une humeur.

La tête vous tourne ? Arrêtons là, momentanément, et rappelons les raisons potentielles de telles infidélités : suivre son éditeur parti chez un concurrent, imputer l’échec de son dernier livre à sa maison, prendre un agent, succomber à l’appât d’un chèque, espérer un prix littéraire, ou encore être en désaccord avec son nouveau propriétaire. A cette aune-là, nul doute, l’arrivée de l’éditrice de Zemmour et protégée de Bolloré, Lise Boëll, chez Fayard (à la tête de Mazarine), filiale d’Hachette, Isabelle Saporta étant démise de ses fonctions, va bouleverser encore le paysage, tout comme le départ de Sophie de Closets en 2022 avait entraîné moult défections, dont celles de Virginie Grimaldi, Gérard Davet, Fabrice Lhomme, Jacques Attali, qui ont depuis lors suivi leur éditrice chez Flammarion. Valse des éditeurs, vente de groupe à venir, comme Humensis…

Voilà deux ans que l’on assiste à un formidable jeu de chaises musicales. Anna Pavlowitch, ex PDG de Flammarion, dorénavant chez Albin, Jean Mattern, l’éditeur spécialiste de la littérature étrangère, passé de Grasset aux éditions Bourgois, Tiffany Gassouk partie de Calmann-Lévy pour Gallimard, Sylvie Delassus, de Stock, à la manœuvre chez Albin Michel, Florian Lafani, de Fleuve Éditions, rejoignant Michel Lafon, Noëlle Meimaroglou, de Robert Laffont, nommée DG des éditions Hermann, Marie Eugène, d’HarperCollins, aux éditions Phébus, Adrien Bosc, du Seuil, bientôt chez Julliard… L’on n’a pas fini de devoir mettre ses fiches à jour. Et de chambouler l’agencement de sa bibliothèque.

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