Européennes : les 1 001 astuces des élus LR pour être sur la liste

Européennes : les 1 001 astuces des élus LR pour être sur la liste

Faut-il répondre à un appel inconnu ? Certains passent leur tour, par crainte d’une arnaque. D’autres prennent le risque, “au cas où”. A son grand regret, Frédérique Meunier appartient à la seconde catégorie. Il y a quelques jours, la députée LR décroche son téléphone. Au bout du fil, une Nadine Morano en colère. L’élue de Corrèze a commis un crime de lèse-majesté : en réunion de groupe, elle a interrogé la présence de la sarkozyste et de Brice Hortefeux sur la liste LR aux européennes, au nom du renouvellement.

Les deux femmes ne se connaissent pas. Pas un souci pour l’ancienne ministre, au tutoiement facile. “Je vais venir dans ta circonscription”, “Qui te connaît ?” “T’as fait quoi ?”… Frédérique Meunier laisse passer l’orage et s’explique. Au moins le SMS envoyé par Brice Hortefeux était-il plus urbain. Sa collègue Nathalie Serre, auteure de propos analogues, a droit au même démarchage. Avec, en supplément, un coup de fil de l’eurodéputé Geoffroy Didier, qu’elle avait cité dans sa démonstration.

Offensive médiatique ou discrétion

Les oreilles traînent. Séduction et pressions s’entremêlent. La bataille pour arracher des places éligibles fait rage chez Les Républicains. La droite devra dépasser 5 % des suffrages le 9 juin pour envoyer des eurodéputés à Bruxelles. Chaque point récolté au-dessus de ce seuil est la promesse d’un nouvel élu. Avec des sondages oscillant entre 7 % et 9 %, les places sont chères. Finis les passe-droits, il faut se vendre pour en être. Redécouvrir les vertus de l’humilité. Seules deux places ont été pourvues : François-Xavier Bellamy conduira la liste, épaulé par l’agricultrice Céline Imart.

Alors, à chacun sa stratégie. Certains jouent cartes sur table. Le vice-président de LR Julien Aubert a adressé un courrier de candidature aux membres de la Commission nationale d’investiture (CNI). L’ex-député du Vaucluse y défend son “expérience du combat électoral […] face au RN et Reconquête”, vante sa “fidélité” à LR et sa “ligne souverainiste”. L’énarque évoque même dans une missive ses diplômes en “économie internationale” et “questions internationales”. L’histoire ne dit pas s’il maîtrise le Pack Office ou les bases de la langue espagnole. Le président des Jeunes LR, Guilhem Carayon, déploie une offensive semblable. Au menu : saturation des plateaux TV et tweets en pagaille sur le scrutin européen. “Il s’agite comme un fou en faisant jouer ses liens familiaux”, raille un concurrent.

D’autres prétendants cultivent la discrétion. L’eurodéputé Geoffroy Didier mise sur son bilan au Parlement européen et son soutien à Eric Ciotti lors de l’élection interne de 2022 pour emporter la mise. Nul besoin d’en faire trop, quand on est content de son jeu. Brice Hortefeux souhaite aussi rempiler, malgré la demande de renouvellement formulée par les parlementaires. Lui a vanté auprès d’Eric Ciotti son profil de sarkozyste, symbole des grandes heures de la droite : “Il ne faudrait pas qu’il y ait des sarkozystes au RN – comme Mariani -, au gouvernement, et pas sur la liste LR.” Guillaume Larrivé évite aussi la lumière. L’ancien député de l’Yonne, proche d’Eric Ciotti, ne dirait pas non à une place sur la liste. Mais pas question de le crier sur les toits. “Soit il est serein, soit il sait que descendre dans l’arène l’abîmerait”, note un cadre de la campagne.

Lettres de recommandation

Il faut susciter le désir. La peur, parfois. Pourquoi ne pas jouer avec la concurrence ? Nadine Morano s’est laissée draguer par le Rassemblement national (RN) avant de fermer la porte à tout départ. Plusieurs élus la soupçonnent d’avoir manié l’ambiguïté pour assurer ses arrières. Retenez-moi ou je fais un malheur ! “Elle nous instrumentalise pour faire monter les enchères”, a confié Jordan Bardella à un eurodéputé LR.

Un candidat sérieux doit être muni d’une lettre de recommandation. Chaque ténor de droite pousse ses poulains, pour mieux peser en interne. Le patron des sénateurs LR, Bruno Retailleau, soutient la candidature de l’eurodéputée sortante Anne Sander, proche de Xavier Bertrand, et de Julien Aubert. L’ancien élu du Vaucluse est aussi appuyé par le chef de file des députés LR, Olivier Marleix. “Ça ne serait pas mal qu’il soit sur la liste”, glisse en privé le député d’Eure-et-Loir. Brice Hortefeux est proche de l’ex-président de LR Laurent Wauquiez. Ce dernier verrait enfin d’un bon œil la candidature de Laurence Sailliet, pourtant soutien d’Emmanuel Macron en 2022. Il a salué auprès de plusieurs interlocuteurs la loyauté de son ancienne porte-parole et sa notoriété d’ancienne chroniqueuse de Cyril Hanouna.

Un concours, pas un examen

Etre recommandé, c’est bien. Se délester de boulets, c’est encore mieux. Un député LR s’amuse au souvenir d’un récent échange avec un prétendant, venu s’excuser pour une altercation vieille de plusieurs années. Il faut bien solder le passé. Julien Aubert s’y emploie. Le vice-président de LR s’est récemment défendu auprès d’Eric Ciotti d’avoir orchestré des attaques contre lui lors de la campagne interne pour la présidence du parti. L’imprudent soutenait son rival Bruno Retailleau. Et comme Eric Ciotti est du genre rancunier…

Un recrutement est un concours, pas un examen. On y vante ses qualités autant qu’on égratigne ses rivaux. La droite se prête au jeu, à quelques jours de l’annonce de la liste. Brice Hortefeux et Nadine Morano ? “On doit rajeunir les images.” Geoffroy Didier ? Ses concurrents rappellent son conflit avec François-Xavier Bellamy au lendemain du scrutin de 2019. Guillaume Larrivé ? “Il a voulu rejoindre Macron à une époque.” Carayon ? “Trop à droite.” Du classique, en politique.

Et le recruteur, qu’en pense-t-il ? De l’avis général, Eric Ciotti aura la haute main sur le choix final. “Il décide seul, la CNI avalisera”, lâche un cadre. L’homme ne laisse rien percer de ses intentions. Il sonde pour l’heure ses collègues. Parmi les derniers barons, doit-il plutôt garder Nadine Morano ou Brice Hortefeux ? “Cet exercice de concurrence interne n’est pas agréable pour lui, ajoute un parlementaire. Il faut savoir dire non.” Dire non, pour un bénéfice électoral nul. La composition d’une liste est indifférente à son score final, elle ne génère que de la frustration interne.

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