Economie de guerre : Emmanuel Macron à court de munitions, par Jean-François Copé

Economie de guerre : Emmanuel Macron à court de munitions, par Jean-François Copé

En juin 2022, quelques mois après l’invasion de l’Ukraine, le président de la République promettait d’entrer “dans une économie de guerre”. Une économie dans laquelle, par définition, la défense et son secteur industriel devenaient la priorité absolue de la nation tout entière. L’objectif : “Aller plus vite pour pouvoir reconstituer plus rapidement ce qui est indispensable pour nos forces armées, pour nos alliés ou pour celles et ceux que nous voulons aider.” Deux ans après le début du conflit, en février 2024, le président ukrainien rappelle que seuls 30 % des obus promis par l’UE ont été acheminés vers l’Ukraine. Le mois suivant, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, menace de réquisition pour forcer les industriels à augmenter les cadences. Emmanuel Macron s’est résigné à acheter des munitions hors d’Europe pour l’Ukraine et à faire un constat sans appel le 14 mars 2024 : aujourd’hui la France “n’a pas une industrie prête pour une guerre de haute intensité”. Pourtant, les fleurons tricolores sont légion dans ce secteur : EADS, Thales, Safran, Dassault pour ne citer qu’eux, sans oublier les milliers de PME qui travaillent à leurs côtés.

En réalité, il faut dire que depuis 2022, les industriels sont sommés de gagner une guerre seuls. L’Etat n’a donné aucune impulsion pour mobiliser les ressources du pays. Côté capitaux, la mise en place d’un produit d’épargne destiné à soutenir l’effort des industriels traîne. La proposition des parlementaires de défiscalisation partielle ou totale des actifs immobilisés par les industries de défense est restée lettre morte. Elle aurait pourtant pu leur permettre de se doter de stocks stratégiques et de composants critiques dont l’absence est aujourd’hui un frein. Côté ressources humaines, là aussi les entreprises du secteur sont laissées face à elles-mêmes : aucune action pour susciter des vocations, assouplir les réglementations ou faciliter le recours à l’intérim.

Pourquoi le champ lexical macronien se radicalise 

Contrairement à ce qu’annonçait Emmanuel Macron en 2022, tout n’a pas changé avec l’invasion de l’Ukraine. Au sommet de l’Etat, les priorités continuent de défiler au gré de l’actualité : ordres et contrordres se succèdent. Quelques mois après sa prise de parole, la rentrée 2022 a laissé place à une autre priorité, celle de l’école, avant que l’hiver suivant soit consacré au pouvoir d’achat avec les premiers effets de l’inflation. L’année 2023 a enchaîné les priorités toutes plus prioritaires les unes que les autres : d’abord le travail avec la réforme des retraites, puis la sécurité à la suite des émeutes et enfin l’agriculture l’hiver dernier. A la fin du premier trimestre de l’année 2024, la défense semble de nouveau être la priorité… pour un temps seulement, puisque l’Elysée vient de découvrir que la France croulait sous les déficits et les dettes publiques. Des problèmes auxquels le gouvernement propose des traitements sémantiques à défaut de solutions politiques : un pays qui tourne en rond, une classe politique qui se discrédite et des Français qui s’impatientent.

L’appel à la mobilisation générale tient lieu dans cet interminable quinquennat de réponse à tout et à tous. C’est dévastateur pour la conduite de politiques publiques, mais aussi aux yeux d’une opinion pour qui tout est désormais sur le même plan, celui de l’urgence. Voilà pourquoi le champ lexical macronien se radicalise : celui de la guerre a été largement employé pendant la crise sanitaire, le mot “réarmement” a été utilisé à sept reprises pour parler de démographie ou de civisme. A force de mal nommer les choses, l’exécutif est à court de munitions pour convaincre les Français que ce sujet va peut-être devenir la seule vraie priorité non pas sans doute pour faire la guerre mais pour montrer que nous sommes prêts si les circonstances le commandent.

Le discours de 2022 et le constat présidentiel de 2024 prouvent que le président de la République a fait un choix : celui de la guerre des mots plus que celui de l’économie de guerre. Une stratégie qui nourrit certes les chaînes d’information en continu, mais pas les chaînes de production ou d’approvisionnement.

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