Etats-Unis : accusées de propagande, les séries policières obligées de se réinventer

Etats-Unis : accusées de propagande, les séries policières obligées de se réinventer

Quel est le point commun entre la sitcom Brooklyn Nine-Nine, la série NCIS ou même le dessin animé Spider-Man : Accross the Spider-Verse ? La première réponse est évidente : chacun de leurs principaux personnages est un policier. La deuxième l’est beaucoup moins : aux Etats-Unis, ces trois œuvres ont été accusées d’être des instruments de “copaganda”, contraction des mots cop (“policier” en anglais) et de propagande. En clair, au-delà de la simple distraction, vos flics préférés des petit et grand écrans auraient pour but de redorer l’image des forces de l’ordre américaines. Depuis la mort de George Floyd, Afro-Américain tué par la police à Minneapolis le 25 mai 2020, la production télévisuelle du pays fait son examen de conscience. Le soupçon est général : de la série la plus parodique au thriller le plus intense, chaque histoire, ou presque, incluant des policiers est concernée.

Le genre est pourtant sacré aux Etats-Unis. Jusqu’en 2019, la population américaine considérait la police comme la profession la plus digne de confiance, devant les médecins ou les journalistes. La série policière tendait un miroir reflétant ce sentiment. De manière peu surprenante : depuis 1951 et l’arrivée de Badge 714 (Dragnet, en VO), les feuilletons ont souvent été le fruit d’une étroite collaboration entre l’institution et les scénaristes hollywoodiens. Dans le cas de Dragnet, le Los Angeles Police Departement prenait le soin de relire chacun des scripts de la série. Par souci de véracité, bien sûr, mais aussi pour mieux contrôler son image. Le succès public de la série a poussé de nombreux services de police dans le pays à les imiter. “Prenez par exemple la série Blue Bloods, qui raconte l’histoire d’une famille dont les membres travaillent tous dans le milieu policier, explique Kenneth Dowler, professeur associé de criminologie à l’université Wilfrid-Laurier, au Canada. Le narratif est inévitablement peu critique envers la police.” Seul contre-exemple dans ce paysage monolithe, la série The Shield de HBO qui, au début des années 2000, dépeignait un flic corrompu de Los Angeles.

“Defund the police”

L’assassinat de George Floyd est venu briser pour un temps les amours des scénaristes et des services de police. La série Cops, télé-réalité diffusée depuis mars 1989 et suivant le quotidien de policiers aux Etats-Unis, a été déprogrammée. Les scénaristes de Brooklyn Nine-Nine ont réécrit la dernière saison pour examiner en profondeur les questions de brutalité policière. Les projets de nouvelles séries se sont mis en pause, alors que fleurissaient partout, sur Internet et dans les médias, le terme de “copaganda” et l’expression “defund the police” (“réduisez les budgets de la police”).

L’industrie hollywoodienne n’a toutefois pas pu se priver longtemps d’une formule connue qui agrège en nombre les Américains devant leur petit écran. Fin 2023, Cops a d’ailleurs fini par être reprogrammé. Cet accroc a pourtant laissé des traces. Désormais, les séries policières s’assurent de rassembler un casting de comédiens aux origines plus diversifiées (Afro-Américains, Asiatiques, Latinos…) et d’inclure des histoires liées aux violences policières dans leur scénario. “Elles ont dû se réinventer pour pouvoir surmonter ce que certains pensaient être la fin des séries policières, reprend Kenneth Dowler. Mais sans trop en faire, pour ne pas s’aliéner leur audience qui a toujours majoritairement été pro-police.”

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *