Guerre en Ukraine : comment la Finlande se barricade face à la menace russe

Guerre en Ukraine : comment la Finlande se barricade face à la menace russe

La vaste forêt de pins, de sapins et de bouleaux est silencieuse, près du poste frontière d’Imatra, dans le sud-est de la Finlande. Aucun signe de vie dans cette zone désormais interdite au public. Dissimulée aux regards, une barrière d’acier se dresse sur environ 3 kilomètres. En 2026, elle s’étirera sur 200 kilomètres. Soit une petite portion des 1 340 kilomètres de frontière que partage la Finlande avec la Russie. Son rôle ? “Contrôler les flux de migrants”, précise Marko Saareks, adjoint à la direction opérationnelle des gardes-frontières. Car Helsinki se dit ciblé par une “attaque hybride”, selon les termes du Premier ministre, le conservateur Petteri Orpo. Entre août et novembre 2023, plus de 1 300 personnes originaires d’Asie ou d’Afrique sont arrivées en Finlande via la Russie, un axe qui a été depuis fermé. Les chiffres restent faibles, mais les autorités les disent inhabituels pour cette région qui n’est pas une route migratoire. Pour Helsinki, l’arrivée de ces migrants pourrait bien être une des ripostes de Moscou à l’entrée de la Finlande dans l’Otan, il y a près d’un an.

Mais les menaces sont aussi militaires. En décembre, Vladimir Poutine avait averti : “Il n’y avait aucun problème [à la frontière finlandaise], mais il y en aura maintenant, car nous allons créer le district militaire de Leningrad et y concentrer un certain nombre d’unités.” Les Finlandais savent que les déclarations du président russe s’inscrivent “dans une logique de propagande pour son peuple”, tente de relativiser Marko Saareks.

Il n’empêche. “Nous sommes toujours restés sur nos gardes avec le voisin russe et n’avons jamais cessé de développer notre défense”, précise Pekka Toveri, député au sein de la coalition nationale (Kok, droite). Ancien militaire, il connaît bien les relations heurtées de son pays avec la Russie. Déclarée indépendante en 1917, à la chute de l’Empire russe, la Finlande n’a jamais fait partie de l’URSS. Mais l’attaque de Moscou de 1939, dite “la guerre d’hiver”, a laissé des traces. “D’autant que, au cours de l’Histoire, les Soviétiques ont toujours cherché à exercer une influence en Finlande, que ce soit au travers d’entreprises, de politiciens ou par la corruption”, poursuit-il. Les services de renseignement finlandais disent notamment craindre la présence d’espions parmi les demandeurs d’asile.

L’invasion de l’Ukraine a tout fait basculer

Aujourd’hui, affirme Pekka Toveri, le pays est “prêt en cas d’attaque”. La Finlande compte 12 000 soldats et 870 000 réservistes. “Et maintenant, nous avons l’Otan”, se félicite-t-il. Avant le conflit en Ukraine, la plupart des Finlandais s’opposaient à une adhésion, mais l’invasion russe de 2022 à tout fait basculer. “Nous avons observé la guerre en Géorgie [2008] puis en Crimée [2014]. Petit à petit, nous avons perdu l’espoir que la Russie devienne une démocratie”, résume Mikkel Näkkäläjärvi, secrétaire du Parti social-démocrate, auparavant au pouvoir.

La Finlande est à présent la plus grande zone de contact entre la Russie et l’Otan. Et Alexander Stubb le sait bien. A peine élu, le président finlandais a annoncé vouloir changer de législation pour autoriser le stockage et le transport d’armes nucléaires sur son sol. Plus tôt, en décembre, Helsinki avait conclu un accord pour renforcer sa coopération militaire avec les Etats-Unis. Mais, tandis que l’Otan mène dans le Grand Nord ses plus vastes manœuvres depuis la fin de la guerre froide, certains craignent les effets à long terme de la “glaciation” des rapports avec le voisin russe.

“La Russie est un partenaire économique essentiel, rappelle Jussi Laine, professeur à l’université de Finlande orientale. Après la chute de l’URSS, nos relations s’étaient normalisées, les régions de l’Est en bénéficiaient.” Depuis la fin des visas, en septembre 2022, les touristes russes ont déserté les hôtels chics. Avant l’invasion, ils dépensaient 1 million d’euros par jour dans la région de Carélie du Sud. Les compagnies locales, qui travaillaient beaucoup avec la Russie, doivent s’adapter. “Désormais, les entreprises liées au commerce de bois exportent essentiellement vers la Chine et l’Arabie saoudite”, relate Mika Peltonen, président de la chambre de commerce de Carélie, à Lappeenranta, une ville frontalière qui borde le lac Saimaa, dans le sud-est du pays. Le virage ne fait que commencer.

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