Guerre en Ukraine : la débâcle inédite de l’armée russe près d’Avdiivka

Guerre en Ukraine : la débâcle inédite de l’armée russe près d’Avdiivka

“L’un des plus importants massacres de chars en 25 mois de guerre menés par la Russie en Ukraine”. Il ne s’agit pas d’un objectif ou même d’un rêve de l’état-major ukrainien, mais bien du fiasco d’une offensive russe ce samedi autour de la ville d’Avdiivka, décrit par le magazine américain Forbes. Ce week-end, l’armée russe a en effet tenté une percée près du petit village de Tonenke, à l’est de l’Ukraine, dans l’oblast de Donetsk. Une région où elle revendique ces dernières semaines plusieurs victoires et des petits grignotages de terrain.

Alors que les dernières opérations étaient surtout conduites par des troupes au sol, pour celle-ci, d’importants moyens matériels furent déployés : 36 chars et 12 véhicules d’infanterie de combat BMP, soit au total 48 véhicules blindés. Une opération d’ampleur, à l’importance “significative”, selon les mots du think tank américain Institute for the Study of War (ISW), la référence dans le suivi au quotidien du front.

Selon ces analystes, l’armée russe n’avait “pas mené d’assaut mécanisé d’une telle ampleur depuis le début de l’offensive russe visant à s’emparer d’Avdiivka, à la fin du mois d’octobre 2023”. De quoi même faire voir à certains qu’il s’agissait du “plus grand assaut de ce type depuis le début du conflit en Ukraine, mené par une colonne de 48 véhicules blindés russes”, comme le rapporte le magazine américain The War Zone.

The very first footages of repelling the largest Russian tank attack of the entire war began to appear. The attack took place on March 30th on the Avdiivka front near the village of Tonenke.
Russia gathered 36 tanks and 12 AFVs for this attack. 12 tanks and 8 AFVs were… https://t.co/ychvqslE7D pic.twitter.com/CnIw1ar9KY

— Special Kherson Cat 🐈🇺🇦 (@bayraktar_1love) April 1, 2024

Mais l’armée ukrainienne a très vite réduit à néant toute volonté russe de percée territoriale. Les troupes de Kiev ont ainsi revendiqué la destruction de 12 tanks et huit véhicules d’infanterie, soit près d’un tiers des moyens militaires russes mobilisés. Différentes vidéos diffusées montrent ainsi les véhicules russes se faire exploser un par un par la défense ukrainienne. Et surtout, sans aucune progression territoriale réelle, comme l’affirme l’ISW. Les forces ukrainiennes n’ont pas tardé à se moquer de cette opération ratée de l’armée russe. “Parfois, c’est étonnant de voir la quantité de chair stupide et sans cerveau qui meurt en masse à cause des ambitions d’un petit homme”, a partagé sur ses réseaux sociaux la 25e brigade aéroportée ukrainienne, largement impliquée.

Une nouvelle technique de combat

Ce succès militaire, s’il ne bouscule évidemment pas l’équilibre du front, reste un important marqueur de la nouvelle stratégie militaire de l’armée de Kiev. Forcée à reculer pour compenser l’aide occidentale faiblissante, devant rebâtir une ligne de défense dans la hâte pour couper court aux ambitions de percées des troupes du Kremlin, l’armée de Kiev a dû vite s’adapter. Et la destruction de ces 20 blindés en est l’un des symboles, par un nouveau mode opératoire.

L’armée ukrainienne cherche ainsi tout d’abord à frapper les blindés russes avec sa batterie d’artillerie, non seulement pour détruire des cibles ennemies, mais aussi et surtout afin de disperser les véhicules ennemis. Les blindés encore en marche, séparés, deviennent ensuite des cibles privilégiées pour des armes moins coûteuses, notamment les drones-suicides FPV (pour “first-person view”, ou “vue subjective”), mais aussi des soldats équipés d’armes anti-chars, tels que des Javelins.

Ainsi, comme l’explique Forbes, “alors qu’auparavant, une batterie d’artillerie ukrainienne pouvait tirer jusqu’à 10 obus pour vaincre un groupe d’assaut russe, elle n’en tire désormais plus que cinq et se coordonne avec les opérateurs FPV des environs pour achever les forces russes”.

Car au contraire, ces drones FPV, ces “petits drones civils de course très rapides et très maniables, qui ont été modifiés pour pouvoir transporter des explosifs”, comme le rappelait à L’Express Yohann Michel, chercheur sur les questions de défense à l’Institut international d’études stratégiques (IISS), ont l’avantage de ne coûter qu’entre 500 et 1 000 euros selon les modèles contre… environ 8 000 euros pour un obus de 155 mm.

Une petite victoire, mais porteuse d’espoirs ?

Cette débâcle russe peut en tout cas porteuse d’espoir pour l’Ukraine, alors que la crainte d’une offensive russe d’ampleur dans les prochains mois est dans toutes les têtes. “La capacité de l’Ukraine à se défendre contre l’assaut du 30 mars, en particulier près d’Avdiivka, est un indicateur positif de la capacité de l’Ukraine à se défendre contre les futurs assauts russes à grande échelle, et l’opération russe prévue pour l’été 2024”, affirme ainsi l’Institute for the Study of War. Elle prouve également notamment que les forces ukrainiennes ont la capacité d’obtenir des succès significatifs sur le champ de bataille, mais seulement “si elles sont correctement équipées”, poursuit le think tank américain.

De quoi retourner tous les regards vers l’aide occidentale, qui pourrait connaître une petite augmentation dans les prochains mois. Le projet d’achat de près d’1,5 millions d’obus, sous l’égide de la République tchèque, pourrait ainsi largement augmenter les capacités ukrainiennes à tenir leur ligne de défense. La nouvelle livraison d’armes de la France pour Kiev, comprenant notamment des “centaines” de blindés âgés mais encore fonctionnels, va également dans ce sens.

Du côté russe, en revanche, ces pertes matérielles d’ampleur ne sont évidemment pas sans rappeler les nombreuses débâcles militaires subies par l’armée de Moscou depuis le début de son offensive en Ukraine. Et suscite une nouvelle fois des questionnements sur la stratégie choisie. Comme rapporté par l’ISW, un influent blogueur militaire russe, aux près de 400 000 abonnés sur Telegram, a une nouvelle fois taclé le commandement militaire russe, le jugeant bien plus obnubilé par l’avancement de leurs carrières que par les objectifs militaires. “Le problème, c’est que lorsque la principale motivation est le rêve de grade d’un chef, tout le reste, y compris sauver des gens, passe au second plan”.

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