Hausse des impôts : combien de temps le gouvernement peut-il tenir ?

Hausse des impôts : combien de temps le gouvernement peut-il tenir ?

Une petite musique montait ces dernières semaines, dans le sillage de l’annonce attendue – mais non moins fracassante – d’un déficit public français à 5,5 % en 2023. Du très libéral Alain Minc à la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, en passant par Camille Landais, le président délégué de Conseil d’analyse économique – groupe d’experts conseillant le Premier ministre -, plusieurs personnalités ont ouvert la porte, voire appelé, à une hausse de la fiscalité pour combler le trou béant dans les finances de l’Etat.

Pas question, leur répond Bruno Le Maire. Dans une tribune publiée, mardi 2 avril, dans Les Echos, le ministre de l’Economie est, une fois n’est pas coutume, monté au créneau pour affirmer que le gouvernement n’augmentera pas les impôts d’ici 2027. Un dogme défendu corps et âme par Emmanuel Macron depuis 7 ans et qui a, ces derniers jours, créé quelques remous au sein de sa propre majorité.

Jusqu’à 75 milliards d’euros à trouver

Ne pas toucher aux contributions des ménages et des entreprises au budget de l’Etat relève pourtant du défi herculéen. Bercy entend toujours repasser sous la barre des 3 % de déficit public en 2027 afin de rentrer dans les clous européens. Pour ce faire, il devra trouver au moins 50 milliards d’euros, selon la Cour des Comptes, et entre 70 et 75 milliards d’euros de l’avis de nombreux économistes. “Cela veut dire qu’il va falloir, soit effectuer une baisse des dépenses publiques, soit procéder à des hausses d’impôts, soit accroître l’activité pour augmenter les recettes fiscales”, énumère l’économiste Xavier Ragot, président de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).

Pour la première option, plusieurs pistes sont envisagées comme mettre à contribution les collectivités locales, enclencher une nouvelle réforme de l’assurance chômage ou encore procéder à des coupes budgétaires après une revue des dépenses des opérateurs d’Etat, sans que l’on sache vraiment combien cela va permettre d’économiser. La deuxième, donc, est proscrite. Il reste enfin l’espoir d’un rebond inespéré de la croissance. Là encore, les vœux de l’exécutif se révéleront probablement pieux. Pour Xavier Ragot, il existe “une ambiguïté du débat français” : “On voit que la préoccupation majeure des Français est le pouvoir d’achat. On fait comme si les baisses de dépenses n’allaient pas réduire le budget des Français. Cela sera malheureusement le cas, tout comme les hausses d’impôt”, assure-t-il.

Une ligne rouge vraiment infranchissable ?

Alors pourquoi s’accrocher coûte que coûte à cette ligne rouge ? “Historiquement, il semble plus facile de réduire les dépenses publiques que d’augmenter les impôts. Les contribuables ne perçoivent pas toujours que l’effet est le même sur leur pouvoir d’achat”, poursuit l’expert. Dans son argumentaire, Bruno Le Maire invoque par exemple un taux d’épargne déjà trop élevé – frôlant les 18 % – qui figure dans la fourchette haute européenne. “Cela peut en effet décourager la consommation, confirme François Ecalle, président de Fipeco. Concernant l’imposition des très riches, cela peut conduire à un exil fiscal. Il y a aussi beaucoup de jeunes qui partent travailler à l’étranger de peur d’être trop imposés”. Cet expert des finances publiques a récemment été reçu dans le bureau de Bruno Le Maire pour exposer son point de vue. Selon lui, le gouvernement pourra respecter son engagement seulement s’il touche à certaines dépenses fiscales comme le crédit d’impôt emploi à domicile. “Je verrais bien une baisse du plafond. Plus il est élevé, moins il est efficace”, ajoute-t-il.

Quant à la taxation des superprofits, qui revient sur le devant de la scène, l’ancien magistrat à la Cour des comptes juge que “ces revenus exceptionnels sont souvent conjoncturels. Il y a ce cas exemplaire des armateurs avec CMA CGM. Leurs résultats sont très volatils, dépendent des prix du fret et peuvent même certaines années basculer dans le rouge. Il y a peut-être quelque chose à faire, mais il ne faut pas non plus se faire d’illusion, cela ne va pas forcément rapporter beaucoup.” “Il ne faut pas croire que la richesse moyenne des entreprises a augmenté en France. On voit que leur taux de marge n’a pas bougé, sauf pour certains secteurs, comme les énergéticiens et les transporteurs”, complète Xavier Ragot.

A mesure que l’échéance de 2027 se rapproche, l’Etat va dans tous les cas devoir trouver des solutions. Car les conséquences pourraient être massives. “Si vous conservez un déficit élevé, vous restez sous la menace d’un changement de perception de la dette française par les investisseurs, notamment par rapport à celle de l’Allemagne. Vous entamez un cercle vicieux avec une hausse des taux d’intérêt, entraînant des difficultés de financement”, explique l’économiste Patrick Artus. D’après lui, “à ce niveau, vous ne pouvez pas uniquement mettre en place des mesures homéopathiques avec de simples coupes budgétaires. Il faut réduire le rôle de l’Etat et concentrer son action sur les dépenses les plus utiles comme la recherche et développement, l’éducation, la transition énergétique…” Une stratégie qui ne semble pas, pour l’instant, entrer dans les plans du gouvernement.

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