L’IA au travail, révolution ou catastrophe ? L’article à lire pour vous faire un avis

L’IA au travail, révolution ou catastrophe ? L’article à lire pour vous faire un avis

Un vent d’optimisme a récemment soufflé sur le pays. “CocorIAco“, titrait-on mi-mars en Une de L’Express pour souligner la place que l’IA générative prend en France. D’une part, car les pépites technologiques tricolores sont bien placées dans la course mondiale. De l’autre, car une diffusion massive de la “GenAI” dans l’économie française pourrait faire grimper le PIB de plus de 400 milliards d’euros dans les dix années à venir. Pourtant, beaucoup de citoyens ne savent pas encore quoi penser de l’IA générative et de l’impact qu’elle aura sur le travail, notamment celui des cols blancs.

Plus d’un tiers (35 %) des Français y sont indifférents, d’après un sondage réalisé en janvier par l’Ifop auprès du grand public, pour le compte du site Learnthings. La troisième édition du baromètre de l’esprit critique d’Universcience, en partenariat avec L’Express, fait lui état d’une impression mitigée sur l’IA, vu par les sondés comme présentant “autant de risques que d’avantages”.

Ces sentiments partagés sont tout à fait normaux. Certes, le spectre d’un “grand remplacement” par l’IA ne résiste pas à l’examen – le rapport de la commission sur l’IA missionnée par Matignon révèle que seuls 5 % des métiers sont composés d’une majorité de tâches pouvant être automatisées et sont de ce fait menacés. Le mode d’emploi à suivre pour transformer les autres n’est cependant pas évident.

A l’IA, devraient normalement être dévolues les tâches les plus rébarbatives. Celles ayant le moins de valeur ajoutée, les chronophages. Les routinières. Mais cette assignation est moins naturelle qu’elle n’en a l’air. Première difficulté : comment les déterminer ? Yann Ferguson, sociologue à l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria) convoque le paradoxe de Polanyi et la dimension “tacite” du travail. En résumé, “plus on est bon dans ce qu’on fait, plus il est difficile de l’expliquer. Car la performance se loge dans l’indicible de l’expérience”, explique l’expert qui est également directeur scientifique de LaborIA, un groupe interministériel étudiant les effets de l’intelligence artificielle sur le travail.

Les bienfaits méconnus des tâches routinières

II pointe également l’effet de “chaînage” entre les tâches routinières et les plus complexes. Le fait d’accomplir les premières est parfois l’échauffement qui met les employés en condition de réaliser les secondes : achever ces missions plus simples leur donne confiance en eux, les met dans l’état mental adéquat. Lorsqu’ils démarrent un poste, ce sont aussi ces tâches simples qui leur mettent le pied à l’étrier et les initient à leurs nouvelles missions. Missions simples et complexes forment donc une pelote pas si évidente à démêler.

D’autres complications possibles doivent être surveillées. Les IA ne sont pas d’une fiabilité irréprochable par exemple. Si l’on n’y prend garde, cela pourrait entraîner “une baisse générale de la qualité de ce qui va être produit”, souligne Antonin Bergeaud, professeur d’économie à HEC. Au risque de générer chez le salarié la sensation d’un travail mal fait et d’entraîner une perte de sens.

Le fait que l’IA modifie les rapports de force en open space a également de quoi plonger les travailleurs dans l’incertitude. Une étude du BCG Henderson Institute avec des chercheurs de la Harvard Business School, sur des consultants, apporte à ce titre un éclairage intéressant. Avec l’IA générative, ce sont surtout les moins bons consultants qui ont nettement amélioré leur performance pour se mesurer aux meilleurs. L’IA sera donc sans doute synonyme de concurrence accrue. “L’automatisation pourrait transformer la manière dont une profession évolue, valorisant potentiellement certaines compétences dites soft”, prédit également Antonin Bergeaud dans une note.

Quid des managers ? Cécile Dejoux, professeure au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam) et conférencière, met quant à elle en garde contre le management par “notification” : une IA lance des tâches ici et là sans supervision humaine. Mais aussi contre “l’addiction” que peut faire naître la technologie, qui ne dispense en aucun cas de savoir faire soi-même les tâches que l’on veut lui confier. Pour l’experte, les économies de temps permises par l’IA laissent l’opportunité de pratiquer un management plus soigneux, plus humain. En définitive, être persuadé que l’IA améliorera le monde ou, à l’inverse, penser qu’elle contribuera à le détruire, n’importe guère à ce stade. Celle-ci va indéniablement bouleverser l’organisation du travail tel qu’on la connaît. Alors, un conseil : autant s’y pencher de suite.

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *