C’était il y a cinquante ans, Antoinette Fouque créait les éditions Des Femmes où dialogueront essais, romans, poèmes et défenses des militantes à travers le monde – publiant notamment Hélène Cixous, Chantal Chawaf, la Basque Eva Forest, l’Egyptienne Nawal El Saadawi, l’Argentine Silvina Ocampo, l’Américaine Anne Sexton ou encore les Brésiliennes Clarice Lispector et Conceição Evaristo. C’était il y a dix ans, disparaissait cette intellectuelle inclassable, née à Marseille en 1936, au terme d’une vie intense marquée par des prises de position singulières dans les domaines de la psychanalyse, de la politique, de la philosophie et de l’écriture.
Autant de (bonnes) raisons pour évoquer en cette semaine internationale des droits des femmes cette grande figure encyclopédique qui pourrait inspirer bien des générations futures. A lire sa notice biographique, l’on se rappelle qu’elle fut plus d’une fois pionnière. Thésarde sur l’avant-garde littéraire, avec Roland Barthes, psychanalyste dans le sillage de Jacques Lacan, cofondatrice du Mouvement de libération des femmes (MLF), en octobre 1968, elle invente “Psychanalyse et Politique”, un groupe de recherche d’analyse de l’inconscient par le politique et du politique par la psychanalyse, tandis qu’elle sera la première femme du mouvement à être élue (au nom des radicaux de gauche) au Parlement européen où elle assurera la vice-présidence de la Commission des droits des femmes. Elle fut également membre de l’Observatoire de la parité de 2002 à 2010.
Après avoir mis en lumière la libido utérine, elle associe procréation et libération des femmes, promouvant par là un nouveau modèle de société hétérosexuée et paritaire, comme le souligne Christophe Bourseiller, l’un de ses admirateurs. Enfin, elle crée dès 1980 la première collection de livres audio pour “réconcilier l’oral et l’écrit”, baptisée “La Bibliothèque des voix”, imaginée pour sa mère qui ne savait ni lire ni écrire. Une collection riche aujourd’hui de plus de 180 livres audio et des voix majestueuses d’Anouk Aimé, Fanny Ardant, Pierre Arditi, Ariane Ascaride, Marie-Christine Barrault, Dominique Blanc, Carole Bouquet, Catherine Deneuve, Juliette Gréco, Anouk Grinberg, Barbara Hendricks, Isabelle Huppert, Noémie Lvovsky, Daniel Mesguich, Michèle Morgan, Anna Mouglalis, Michel Piccoli, Jean-Louis Trintignant, etc.
Pour fêter leur fondatrice, les Editions des femmes publient une brève biographie, Antoinette Fouque, une pionnière de la libération des femmes, signée Julia Pietri, organisent un colloque le 9 mars au Campus des Cordeliers (Paris), lancent le prix Antoinette Fouque et perpétuent sa mission “universelle” avec, entre autres, le 14 mars, la sortie de l’ouvrage collectif Des Iraniennes. Femmes, vie, liberté 1979/2023 et le 4 avril, celle de Toi, ma mère. Voix d’écrivaines francophones. La philosophe Blandine Kriegel disait d’Antoinette Fouque qu’avec “son intelligence visionnaire” elle incarnait “l’esprit du mouvement des femmes, le paradigme de tous les mouvements démocratiques qui ont fait avancer notre société”. Nul doute, cet esprit n’est pas mort.
