Manouchian au Panthéon : quand l’édition s’empare de l’évènement

Manouchian au Panthéon : quand l’édition s’empare de l’évènement

“Vous n’avez réclamé la gloire ni les larmes/Ni l’orgue ni la prière aux agonisants…” Pas sûr que ce poème d’Aragon (in Le Roman inachevé, 1956) chanté par Léo Ferré soit de mise en ce 21 février, date d’entrée au Panthéon de Missak Manouchian, grande figure de la Résistance intérieure française, accompagné de Mélinée, son épouse, résistante comme lui. La République française rendra donc les honneurs en grande pompe à ce célèbre ouvrier poète et militant communiste arménien, quatre vingts ans jour pour jour après sa mise à mort par les nazis avec 21 autres membres de son groupe Francs-Tireurs et Partisans – Main-d’œuvre immigrée (FTP-MOI) – Olga Bancic, la seule femme du groupe, sera, elle, guillotinée à Stuttgart le 10 mai 1944.

Comme à son habitude lors des commémorations, événements, etc., l’édition s’est emparée du sujet. Bon, on est loin de la célébration du cinquantenaire de Mai 68, qui avait entraîné une production record de 150 ouvrages et presque autant de déconvenues. Reste que ces dernières semaines, les publications se multiplient et cela dans tous les genres, essais, archives, beaux livres, BD, romans, poésie. Parmi les écrivains très en pointe dans cette salve, Didier Daeninckx, déjà auteur de Missak (Perrin, 2009), signe un roman jeunesse chez Oskar, une BD, Missak Manouchian. Une vie héroïque (Les Arènes), la préface de Missak et Mélinée Manouchian. Un couple en Résistance (L’Archipel) de Gérard Streiff, ainsi que l’introduction du recueil de Manouchian, Ivre d’un grand rêve de liberté (Points Poésie, édition bilingue). Notons son jeu de yo-yo avec Jean-Pierre Sakoun, président du Comité pour l’entrée au Panthéon de Missak Manouchian, qui, lui, est préfacier aux Arènes et postfacier à L’Archipel…

Signalons aussi un album BD (Missak, Mélinée & le groupe Manouchian) chez Dupuis signé Jean-David Morvan et Thomas Tcherkézian, un beau livre (Manouchian : Missak et Mélinée Manouchian, deux orphelins du génocide des Arméniens engagés dans la Résistance française) chez Textuel concocté par Denis Peschanski, Claire Mouradian et Astrig Atamian, un libelle au Seuil, Anatomie de l’Affiche rouge d’Annette Wieviorka, etc. Rappelons que l’Affiche rouge est cette affiche placardée par la propagande nazie visant à représenter les résistants du 21 février comme une bande de terroristes étrangers afin de les discréditer. Ouf ! Comment ne pas s’emmêler avec tous ces titres “manouchianesques” ? Arriverez-vous à tout lire ? Et lequel de ces ouvrages aura le succès de L’Affiche rouge, de notre ex-confrère de L’Express, Philippe Ganier-Raymond, publié par Fayard en 1976, l’année du célèbre film éponyme de Franck Cassenti ? Pour l’instant, le court ouvrage de l’historienne Annette Wieviorka tient la corde. Il est vrai que la spécialiste de la Shoah a d’ores et déjà été invitée par France Inter et que son court ouvrage de 60 pages publié dans la collection Libelle ne coûte que 4,90 €, Les paris sont lancés.

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *