Médecins spécialistes : l’envolée des dépassements d’honoraires

Médecins spécialistes : l’envolée des dépassements d’honoraires

Après une consultation, il arrive que la carte bleue chauffe plus qu’attendu. Et pour cause : plus de la moitié des médecins spécialistes appliquent des dépassements d’honoraires, selon l’association de consommateurs UFC Que Choisir, qui dénonce, ce jeudi 22 février, “l’envolée du prix des soins” et ses conséquences sur la santé des plus modestes.

Selon l’association, qui a compilé les données de l’Assurance maladie, les médecins spécialistes libéraux étaient 52,2 % à appliquer un dépassement d’honoraires en 2021, contre 45,8 % cinq ans plus tôt. Sur les huit spécialités prises en compte dans l’étude, la gynécologie est celle qui pratique le plus les dépassements, avec 71,4 % des praticiens concernés. Le dépassement moyen des gynécologues est de 20,60 euros, sur une consultation de base fixée à 30 euros (chiffres de 2022).

SpécialistesTarif moyenDépassement moyen (en France)Tarif moyen (département le plus cher)Dépassement moyen (département le plus cher)Anesthésistes40,9 €10,9 €59,2 €29,2 €Cardiologues55,9 €4,9 €77,8 €26,8 €Dermatologues41,7 €11,7 €70,3 €40,3 €Gastro-entérologues37,5 €7,5 €67,9 €37,9 €Gynécologues50,6 €20,6 €80,5 €50,5 €Ophtalmologues43,8 €13,8 €65,5 €35,5 €Pédiatres (0-2 ans)46,2 €9,2 €66,7 €29,7 €Psychiatres63,9 €13,7 €83,6 €33,4 €

Source : UFC-Que Choisir, d’après données Assurance maladie. Année 2022, France métropolitaine.

Viennent ensuite les ophtalmologues (66,7 % excédent le tarif de l’Assurance maladie, pour un dépassement moyen de 13,80 euros), et les anesthésistes (58,8 % sont au-dessus du tarif Sécu, pour un dépassement moyen de 10,90 euros). Mais “les moyennes nationales masquent de profondes inégalités territoriales”, souligne Que Choisir, qui relève qu’une consultation peut être “jusqu’à 2,5 fois plus onéreuse d’un département à l’autre”.

D’une manière générale, Paris s’affiche en champion toute catégorie des dépassements, suivis par le reste de l’Ile-de-France, des départements littoraux du sud (Alpes-Maritimes et Var notamment) et quelques départements comptant de grandes métropoles, notamment le Rhône et le Bas-Rhin. Chez les anesthésistes, dont les tarifs peuvent varier du simple au double à travers la France, le tarif opposable de 30 euros est respecté dans 17 départements, pour l’essentiel ruraux. Par contre,”dans cinq départements (Paris, Hauts-de-Seine, Val-de-Marne, Somme, Haute-Saône), les honoraires s’élèvent à 50 euros ou plus”, souligne Que Choisir. À noter que les départements littoraux du Sud, et d’autres comportant de grandes métropoles, sont aussi concernés par ces tarifs élevés.

Une consultation chez le gynécologue coûte en moyenne 80 euros

Chez les gynécologues, le tarif moyen d’une consultation dans le département le plus cher est de 80,5 euros soit un dépassement moyen de 50 euros. Même constat chez les gastro-entérologues où les patients du département le plus cher déboursent en moyenne 67,9 euros leur séance avec un dépassement de 37,9 euros. Face à cet éloignement croissant du tarif conventionnel, Que Choisir demande “la fermeture de l’accès au secteur 2 (à honoraires libres) pour les nouveaux arrivants”. Pour les cardiologues, ce sont les Hauts-de-Seine qui décrochent la palme du tarif le plus élevé, à 77,8 € alors que le tarif de la Sécurité sociale s’élève à 51 €. Parmi les huit spécialités passées au crible, la cardiologie est celle qui recense les dépassements honoraires les moins importants.

Comment expliquer cela ? “La cause la plus évidente de cette situation totalement inégalitaire est la croissance rapide de la part des spécialistes autorisés à facturer des dépassements, visible même à l’échelle de 5 ans au gré des nouvelles installations et des départs en retraite”, répond UFC-Que Choisir. Prenons l’exemple des anésthésistes : la part des praticiens effectuant des dépassements d’honoraires a augmenté de 12,8 % entre 2016 et 2021, un chiffre en hausse de 9,9 % chez les pédiatres. Et cette tendance risque de s’aggraver avec les nombreux départs en retraite des médecins issus de la génération du baby-boom.

Pour l’association, les nouveaux médecins ne devraient avoir le droit qu’au nouveau dispositif dit “Optam”, qui autorise les dépassements d’honoraires mais dans des conditions beaucoup plus maîtrisées que dans le “secteur 2”. Le praticien en Optam a notamment l’obligation de garder les honoraires conventionnels pour une partie de sa patientèle. Par ailleurs, alors que les médecins libéraux négocient actuellement avec l’Assurance maladie, Que Choisir demande de “conditionner” une future augmentation du prix conventionnel à “la réduction effective du reste à charge pour les usagers”.

Des patients “pris au piège”

Selon un sondage exclusif de l’Observatoire de la consommation de l’UFC-Que Choisir en novembre 2023, réalisé auprès d’un échantillon représentatif de 1 004 personnes, 45 % des répondants les plus modestes déclarent peiner à trouver des rendez-vous médicaux, contre seulement 4 % des ménages les plus aisés. Selon cette enquête, 38 % des personnes s’estimant en mauvaise santé renoncent à des soins pour raisons financières.

Pour l’ensemble des huit spécialités étudiées, au moins un département a un tarif moyen correspondant au tarif opposable (dépassement moyen nul) ; il s’agit généralement de départements ruraux et relativement peu dotés en médecins. Cette étude, selon l’UFC-Que Choisir, conclut une chose : “Les patients tendent à résider soit dans un “désert géographique” (peu de médecins), soit dans un désert financier (médecins relativement plus nombreux, mais aux tarifs très élevés), et donc à être pris au piège d’une manière ou d’une autre.”

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