Missiles, drones et intrusions… Belgorod, la ville russe où Kiev a importé la guerre

Missiles, drones et intrusions… Belgorod, la ville russe où Kiev a importé la guerre

C’est une ville russe de 335 000 habitants, cible régulière des ripostes ukrainiennes. Belgorod est située à seulement une trentaine de kilomètres de la frontière. Ces derniers jours, à l’approche de l’élection présidentielle russe, qui verra Vladimir Poutine réélu pour un nouveau mandat de six ans ce dimanche 17 mars, l’Ukraine a accru la pression militaire sur les régions russes frontalières de Belgorod et de Koursk. Ces deux territoires sont visés par une multitude d’attaques de drones et des incursions d’unités militaires composées de Russes basés en Ukraine, et déterminés à faire chuter le régime de Vladimir Poutine.

Samedi, l’un de ces groupes, “Légion Liberté de la Russie”, a appelé les civils à évacuer la ville de Belgorod, chef-lieu de la région du même nom : “Vous n’êtes pas obligés d’être les boucliers humains de Vladimir Poutine.” Un autre, le Bataillon sibérien, a affirmé ce dimanche matin être entré dans un hameau russe situé à la frontière avec l’Ukraine, Gorkovski.

A Belgorod et dans la région, le conflit cause régulièrement des décès. Une adolescente de 16 ans a été tuée ce dimanche dans une frappe, a indiqué sur Telegram le gouverneur régional, Viatcheslav Gladkov, avant d’annoncer quelques heures plus tard un autre mort et 11 blessés dans de nouvelles attaques aériennes. La veille, il avait aussi fait état de deux autres victimes dans un bombardement, alors que huit roquettes avaient été abattues au-dessus de Belgorod. Précédemment, le ministère russe de la Défense avait indiqué avoir abattu des missiles, des roquettes et des drones au-dessus des régions frontalières de Belgorod et Koursk.

Ces évènements répétés ont poussé Viatcheslav Gladkov à annoncer, samedi, la fermeture pour les prochains jours des centres commerciaux et des écoles de la ville de Belgorod. “Compte tenu de la situation actuelle, nous avons décidé que les centres commerciaux seraient fermés dimanche et lundi”, a-t-il indiqué. Les écoles resteront également closes lundi et mardi dans la ville, ainsi que dans huit autres districts, a par ailleurs précisé le gouverneur régional. Le Washington Post évoque également la fermeture de restaurants dans la capitale régionale. Des mesures similaires avaient déjà été prises en janvier dernier.

Missiles, roquettes et drones

Vendredi, alors que les bureaux de vote pour l’élection présidentielle ouvraient, l’armée russe a annoncé avoir repoussé depuis le mardi 12 mars de multiples incursions de combattants venus d’Ukraine. “Du 12 au 14 mars, les troupes […] ont déjoué toutes les tentatives des militants ukrainiens de pénétrer sur le territoire des régions de Belgorod et de Koursk en Fédération de Russie”, a affirmé le ministère russe de la Défense.

Jeudi, une personne a été tuée et six autres blessées, selon les autorités russes, dans des frappes ukrainiennes visant la région de Belgorod. L’armée ukrainienne a affirmé sur Telegram avoir abattu pendant la nuit 22 drones explosifs sur un total de 36 lancés par la Russie sur son voisin. Le ministère russe de la Défense a de son côté assuré avoir détruit dans la nuit 14 drones ukrainiens au-dessus de la région de Belgorod et celle de Koursk. Mercredi, le siège du Service fédéral de sécurité de la Fédération de Russie (FSB) à Belgorod a quant à lui été visé par une attaque de drones lancée par les forces ukrainiennes, rapporte l’agence Tass, qui cite les autorités locales.

“Tout le monde a peur”

Les autorités ukrainiennes ont juré de porter le conflit sur le territoire russe. Et la région de Belgorod, largement utilisée par l’armée russe pour lancer des raids sur l’Ukraine, est une cible de choix. Au total, des dizaines de civils ont été tuées par des frappes de drones et de missiles lancés depuis l’Ukraine. Le 30 décembre 2023, la capitale régionale éponyme a été la cible d’une frappe ukrainienne faisant 25 morts, et plus de 100 blessés, la plus meurtrière contre des civils sur le sol russe depuis le lancement de l’offensive de Moscou contre l’Ukraine en février 2022. Ces attaques ont été un véritable choc pour les habitants de cette ville, où des panneaux lumineux indiquant des consignes de premier secours sont désormais visibles. “A Belgorod, avant, il y avait des festivals, des fêtes, mais depuis les gens ont vraiment vu ce qu’était la guerre”, témoigne auprès de France Inter Nikita, un journaliste en exil originaire de Belgorod.

Les habitants entendent régulièrement des missiles, des drones et des explosions sans savoir d‘où ils viennent, ni qui est visé. Les responsables de la ville affirment régulièrement que les défenses aériennes ont intercepté tous les missiles, mais des vidéos d’attaques contre des immeubles résidentiels font parfois surface quelques heures plus tard, indiquant les dégâts et les victimes.

Les bombardements qui se multiplient mettent à mal le discours du Kremlin selon lequel la vie quotidienne des Russes n’est pas perturbée par le conflit, et selon lequel le conflit n’affecte pas directement la sécurité des Russes. Patrouilles de soldats, blocs de ciment placés aux arrêts de bus pour amortir d’éventuelles explosions, autobus qui s’arrêtent dès le début d’une alerte, obligeant les passagers à descendre et à marcher… Comme le relève Reuters, la guerre est bien visible dans cette ville russe. “La situation reste mouvementée, mais une vie paisible est néanmoins menée”, affirme au Washington Post Nikolaï Lebedev, qui dirige le département de la défense civile de Belgorod. De son côté, Viatcheslav Gladkov a reconnu début janvier que sa région vivait des “moments difficiles”. “Tout le monde a peur”, avait-il dit.

La tension et la paranoïa règnent dans la ville, constate le Washington Post. Les habitants sont traumatisés après des mois de conflit et largement convaincus par la propagande du Kremlin qui attribue la guerre aux “fascistes” et aux “nazis” en Ukraine, ainsi qu’aux Etats-Unis et à d’autres pays de l’Otan pour avoir fourni des armes à Kiev. Au lieu d’affaiblir le moral des Russes, les frappes amènent de nombreuses personnes à Belgorod à penser qu’elles sont les victimes et que les forces russes doivent frapper l’ennemi ukrainien encore plus durement, relève le quotidien américain. Certains habitants s’avouent cependant mécontents de la situation, mais, s’ils blâment les autorités, rares sont ceux qui le disent à haute voix.

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