Panneaux solaires : ce que l’agrivoltaïsme rapporte vraiment aux agriculteurs

Panneaux solaires : ce que l’agrivoltaïsme rapporte vraiment aux agriculteurs

Entre le monde de l’énergie et celui des agriculteurs, les règles du jeu étaient attendues de longue date. Le 9 avril, le gouvernement a dévoilé le décret encadrant le développement de l’agrivoltaïsme en France, au terme de longues négociations entre l’administration, les énergéticiens et le monde agricole. Jugée “impérative” pour tenir nos objectifs de décarbonation, la mise en place de panneaux solaires sur les installations agricoles doit permettre de concilier deux exigences : l’accélération de la production d’énergie renouvelable et le maintien de la production agricole.

Ce décret impose que les baisses de rendement induites par ces panneaux solaires sur des terres agricoles ne puissent excéder 10 % par rapport à “la moyenne du rendement” observé sur une parcelle témoin. Il fixe également à 40 % la surface maximale du terrain agricole couverte de panneaux, sauf pour les projets ayant fait leurs preuves. Autant de contraintes qui doivent permettre de maintenir la production, assure le gouvernement, mais aussi d’offrir aux agriculteurs “une source de rémunération garantie stable et dérisquée”. “C’est aussi un outil pour répondre aux impératifs de pouvoir d’achat des agriculteurs”, détaille le cabinet de Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’Industrie et de l’Energie.

Partage entre propriétaire, exploitant et énergéticien

L’agrivoltaïsme, nouvelle manne pour les exploitants ? Si le décret ne fixe pour le moment pas de règles sur le partage de la valeur générée par les projets, il semble peu probable que nos verts paysages se transforment en or. “L’agrivoltaïsme est moins rentable pour l’énergéticien car les rendements ne sont pas les mêmes que pour du photovoltaïque classique, donc le partage des retombées ne sera pas le même non plus, les sommes ne seront pas gigantesques”, prévient Olivier Dauger, élu de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) en charge des sujets climat énergie carbone.

En fonction des exploitations, des recommandations des chambres d’agricultures locales, ou des types de projets, les modes de répartition de la valeur varient. Le schéma classique est celui d’un trio composé du propriétaire du terrain agricole, de l’exploitant (qui peut, parfois, être le même que le propriétaire) et de l’énergéticien. “Il y a toujours la notion de loyer, les terrains sont loués au propriétaire et l’exploitant peut toucher un complément de revenus non agricole, qui lui assurera une régularité dans son exploitation”, explique Aline Chapulliot, responsable offres innovantes chez Engie Green, la filiale énergie renouvelable de l’entreprise gazière. Le prix de ce loyer est issu des discussions passées entre les énergéticiens et les chambres d’agricultures pour la plupart du temps. “En fonction des installations, le loyer varie, mais on peut estimer une fourchette globale entre 2 000 et 2 500 euros par hectare et par an, à partager entre le propriétaire et l’exploitant”, explique-t-on chez TSE, un producteur français indépendant d’énergie solaire. Selon les modèles, l’agriculteur touchera entre 30 et 50 % du loyer, le revenu généré par la vente de l’électricité appartenant, lui, au producteur, qui peut aussi décider de faire participer l’exploitant et l’agriculteur à toute surperformance économique de la centrale.

Apporter des gains de rendements

Certains énergéticiens proposent également aux agriculteurs, aux propriétaires, et parfois aux coopératives agricoles d’entrer au capital de la société portant le projet agrivoltaïque, permettant ainsi aux différentes parties de toucher des dividendes sur le chiffre d’affaires réalisé. “On va pousser pour que l’agriculteur puisse prendre part au capital de la société, afin que le prix du foncier ne soit pas affecté, ce qui permet de ne pas entraver la transmission générationnelle”, plaide Antoine Nogier, le fondateur de Sun’Agri, une entreprise développant une technologie d’orientation des panneaux solaires.

Ces potentiels de rémunération doivent aussi être nuancés au regard de la taille relativement modeste des projets d’agrivoltaïsme. La plupart des énergéticiens développent des infrastructures sur quelques hectares, entre 8 et 10 pour la plupart et jusqu’à 30 pour les plus gros. “En moyenne les prix s’élèvent de 2 000 à 3 000 euros l’hectare, c’est substantiel pour certains éleveurs dont les revenus sont parfois très bas, mais au regard de la moyenne des projets cela ne représente pas forcément une somme très importante”, souligne Olivier Dauger. Selon l’élu de la FNSEA, les panneaux peuvent aussi apporter des “externalités positives”, comme la protection des cultures contre les aléas météorologiques, et des hausses de rendements, qui participent à soutenir l’activité de l’exploitant. Ainsi, chez Sun’Agri, on assure que le bénéfice de l’activité agricole obtenu par ces projets est supérieur, par hectare, au complément de revenu de la partie électrique. “Avec nos systèmes de persiennes photovoltaïques pilotés par l’intelligence artificielle, on a des productions qui peuvent augmenter entre 10 et 30 % sur les cerises, les pommes, ou les légumes”, vante Antoine Nogier. Un argument qui pourrait convaincre à l’heure du changement climatique.

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