Panneaux solaires : l’improbable angle mort de la réparation

Panneaux solaires : l’improbable angle mort de la réparation

Imaginez un champ de panneaux solaires, installé en bord de forêt. Une centrale de milliers de cellules à l’inclinaison et l’exposition réglées au millimètre. Au fil des ans, bien avant la fin de leur cycle de vie (environ 30 ans), plusieurs panneaux dysfonctionnent, aussitôt remplacés par d’autres. Mais le stock de réserve fond vite, trop vite, et il est impossible de le renouveler puisque le fabricant – très souvent chinois – a mis la clef sous la porte. Bienvenue dans le monde bien réel des producteurs européens d’énergie solaire.

La technologie évolue tant que les modèles choisis il y a dix ans, d’une taille, puissance et connectique précises pour une centrale, ne sont plus fabriqués en série. Il faudrait les produire sur-mesure. Impensable compte tenu du coût. “Ce serait comme faire de la haute couture dans un monde standardisé”, image William Arkwright, directeur général d’Engie Green, qui exploite 250 centrales solaires en France. Résultat : quelques emplacements restent vides, autant de trous dans la constellation des panneaux photovoltaïques. Les éléments défaillants, plutôt que d’être fléchés illico vers la case recyclage, n’auraient-ils pas pu être réparés ? C’est l’improbable angle mort que souhaite combler Solreed.

La start-up veut “devenir le premier acteur européen à prolonger la vie des modules solaires”, plante Luc Federzoni, l’un des deux cofondateurs. Certes, les réparations existent déjà pour les particuliers, avec des entreprises proposant de remettre en état les panneaux en toiture. Mais cette solution n’existe pas à l’échelle industrielle. Incompréhensible et gênant pour une filière au cœur de la transition énergétique. “La durabilité va devenir un enjeu majeur”, confirme François Legalland, directeur du CEA-Liten, l’institut de recherche qui héberge Solreed dans son campus du Bourget-du-Lac (Savoie).

La France pourrait accumuler entre 1,5 et 1,8 million de tonnes de déchets de panneaux photovoltaïques d’ici à 2050, d’après l’Agence internationale des énergies renouvelables (Irena). Une partie pourrait être évitée ou décalée dans le temps grâce à une vraie stratégie de réparation. “Un petit taux de défaillances dans un marché énorme, ça compte, pointe Luc Federzoni. Les pannes ont entraîné en Europe, l’an dernier, un manque à gagner de 6 gigawatts, soit la production d’une centrale nucléaire et demie”. Loin d’être négligeable.

La start-up française Solreed propose des solutions de réparation des panneaux solaires.

99 % de réussite

L’énergéticien Engie, qui accompagne la start-up, a fait ses comptes. Sur les 6 millions de panneaux solaires qu’il possède sur le territoire, entre 2 000 et 3 000 sont remplacés chaque année. Dans un secteur en pleine croissance et exposé aux événements météorologiques extrêmes, il y a de fortes chances que ce nombre augmente. C’est pourquoi l’entreprise a donné, l’été dernier, une centaine de cellules défaillantes à Solreed. Histoire d’éprouver la viabilité du projet. En dix jours, celle-ci en a réparé… 99 %. “Tous ont retrouvé leur performance initiale”, alors qu’un panneau solaire perd 0,4 % de son efficacité par an, précise Matthieu Verdon, l’autre cofondateur. Il suffit parfois d’un rien pour les remettre à niveau : changer la connectique, retaper la couche arrière ou remplacer une diode.

Dans le laboratoire rectangulaire du Bourget-du-Lac, un employé du CEA teste différentes manipulations – pour le compte de Solreed – sur un panneau vieux de dix ans produisant 260 watts à l’achat. Après réparation, la machine affiche un rendement de… 262 watts. Comme neuf. “Et dire que ça partait à la déchetterie”, manifeste Christophe Thomas, en charge des équipes Prospection et développement d’Engie Green. Selon les estimations des patrons de la start-up, la réparation d’un panneau solaire permettrait de réaliser 30 % d’économies par rapport à l’achat d’un nouveau. Et, en parallèle, d’acquérir de précieuses connaissances sur les différents modèles et leurs vulnérabilités.

Car localiser précisément les pannes s’avère parfois difficile. Plusieurs options existent. Une inspection visuelle permet de repérer un défaut apparent, par exemple après des vents forts ou de la grêle. Il est également possible d’observer, via les postes de contrôle, un rendement inférieur dans un secteur et de remonter jusqu’à la rangée de panneaux solaires concernée. Mais l’affaire se corse pour distinguer précisément la ou les cellules défectueuses, surtout dans des centrales étalées sur des dizaines d’hectares. Elles peuvent être identifiées par des drones équipés de caméras thermiques, sauf que ce genre de sortie aérienne n’est réalisée qu’une ou deux fois par an. “Or en intervenant tôt, on augmente le nombre de panneaux réparables”, insiste Matthieu Verdon. D’où l’objectif, pour Solreed, de développer de nouveaux systèmes de surveillance en continu et de diagnostic pour déceler les signes de faiblesse. “On pourrait alors aller réparer au plus proche, sur le site, peut-être même sans débrancher le panneau en question”, anticipe le cofondateur. Ce genre d’option intéresse évidemment Engie, mais aussi d’autres acteurs qui se renseignent. Pour Solreed, l’avenir s’annonce ensoleillé.

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