Panot et Hassan entendues par la police pour “apologie du terrorisme” : ce que dit la loi

Panot et Hassan entendues par la police pour “apologie du terrorisme” : ce que dit la loi

Fustigée par certains, plébiscitée par d’autres, l’apologie du terrorisme est, notamment depuis l’offensive du Hamas contre Israël le 7 octobre dernier, sur toutes les lèvres. Ce délit est d’ailleurs au coeur de la convocation de la cheffe de file des députés insoumis, Mathilde Panot, entendue ce mardi 30 avril par la police. Elle était accompagnée de la militante franco-palestinienne, Rima Hassan, figurant en septième position sur la liste de la France insoumise pour les européennes.

Leur convocation intervient à la suite de propos liés à la guerre entre Israël et le Hamas. Dans un communiqué, des Insoumis établissaient un lien entre l’attaque du mouvement islamiste, décrite comme “une offensive armée de forces palestiniennes”, et “l’intensification de la politique d’occupation israélienne” dans les territoires palestiniens.

Toutes deux sont ainsi poursuivies pour apologie du terrorisme. Un délit défini par le ministère de la Justice comme le fait de “présenter” ou “commenter favorablement des actes terroristes”. Tout comme l’injure ou la diffamation, les propos relevant de l’apologie du terrorisme doivent être publics (ce qui inclut les réseaux sociaux) pour être réprimés.

La peine encourue pour apologie est de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. Les sanctions sont portées à sept ans de prison et 100 000 euros d’amende lorsque les faits ont été commis sur Internet.

348 enquêtes entre le 7 octobre et le 30 janvier

Intégrée dans le Code pénal en 2014 avec la loi Cazeneuve renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme, l’apologie du terrorisme relevait jusqu’alors du délit de presse. Elle était donc à l’époque du ressort de chambres spécialisées en droit de la presse, avec des magistrats formés à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.

Désormais, ce délit, qui recouvre des actes de nature et de gravité très variables, peut être jugés par n’importe quel parquet de France, en procédure de comparution immédiate à l’issue d’une garde à vue.

“Force est de constater qu’à la suite de cette évolution, le nombre de condamnations pour apologies d’actes de terrorisme a fortement augmenté, les peines infligées étant par ailleurs sans commune mesure avec les peines auparavant infligées dans le cadre du contentieux de la presse”, relève un rapport du Sénat datant de 2016.

En effet, la même année, la commission d’enquête de l’Assemblée nationale faisait état de seulement quatorze condamnations entre 1994 et 2014. Selon Public Sénat, entre le 7 octobre et le 30 janvier 2024, la Chancellerie a recensé 348 enquêtes pour apologie du terrorisme ou actes antisémites auprès des parquets. Sur cette même période, 278 enquêtes ont été ouvertes par le pôle national de lutte contre la haine en ligne du parquet de Paris.

Un délit jugé contraire à la liberté d’expression

L’attaque du Hamas figure comme un véritable tremplin pour ce type de poursuites. Plusieurs associations comme l’Organisation juive européenne (OJE) – à l’origine de la plainte contre Mathilde Panot – ou la Jeunesse française juive (JFJ) se félicitent d’être à l’initiative de nombreuses procédures. Parmi leurs cibles, figurent également l’ancien candidat à l’élection présidentielle, Jean-Luc Mélenchon, la députée insoumise, Danièle Obono, et le porte-parole du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), Philippe Poutou.

Comme ces associations, les procureurs de la République et les simples citoyens sont en mesure de signaler tous les comportements et contenus illicites en ligne sur la plate-forme gouvernementale Pharos depuis 2009, ou de porter plainte.

S’il est facile à signaler et de plus en plus médiatisé, le délit d’apologie du terrorisme est jugé contraire à la liberté d’expression par certaines ONG. Dans son rapport annuel mondial, publié le 24 avril, Amnesty international déplore “une infraction qui est définie de manière extrêmement vague et subjective” et demande à ce que ces délits soient “abrogés dans les lois”.

La France a d’ailleurs été condamnée pour violation de la liberté d’expression en juin 2022 par la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH). Selon elle, la condamnation pour apologie du terrorisme de Jean-Marc Rouillan était “disproportionnée”. L’ancien membre du groupe armé d’extrême gauche, Action directe, avait été condamné à dix-huit mois de prison, dont huit fermes, pour avoir qualifié les terroristes du Bataclan de “très courageux”. Sa peine a depuis été annulée.

Côté LFI, ce mardi, les militants ont appelé à un rassemblement près du tribunal de Paris et des locaux de la police judiciaire, dans le 17e arrondissement de la capitale. “Il n’est pas possible que ce délit d’apologie du terrorisme soit utilisé pour empêcher toute mise en perspective historique d’un évènement”, martèle Manuel Bompard, député et coordinateur de la France insoumis, auprès de Public Sénat. Selon lui, la convocation de Mathilde Panot s’inscrit dans une “volonté de faire taire de la part du pouvoir politique en place”.

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