Ukraine : le plan de Kiev pour stocker le gaz européen

Ukraine : le plan de Kiev pour stocker le gaz européen

L’Europe stockera-t-elle davantage de gaz en Ukraine à l’avenir, malgré la guerre ? Petit à petit, l’idée fait son chemin. Fin février, le géant ukrainien Naftogaz a annoncé que sa filiale Ukrtransgaz allait mener une série de “tests de résistance”. Le but de l’opération ? Montrer que même en temps de conflit armé, l’Ukraine reste capable d’acheminer et de stocker du gaz pour le compte d’autres pays. “Cela peut sembler étonnant car les combats se poursuivent, mais l’Ukraine entend bien monter en puissance rapidement dans le stockage de gaz, confirme Sami Ramdani, enseignant-chercheur en géopolitique de l’énergie à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS). Les discussions s’accélèrent même avec les membres de l’UE.

Et pour cause, il devient capital pour l’Ukraine d’accélérer son processus d’intégration à l’Union. Déjà considérablement réduit, le transit de gaz en provenance de Russie arrivera à son terme à la fin de l’année. L’Ukraine devra donc trouver une nouvelle source pour rentabiliser son immense réseau. Parallèlement, en utilisant davantage les infrastructures ukrainiennes, l’Europe pourrait augmenter ses capacités de stockage de 10 %. De quoi passer les hivers froids plus facilement. En 2023, plusieurs acteurs européens ont déjà profité des infrastructures ukrainiennes, en y stockant 2,5 milliards de mètres cubes de gaz. Cette année, Naftogaz vise les 4 milliards.

“Le gros dossier du moment pour Kiev, c’est l’inversion du flux sur le gazoduc transbalkanique, qui part de la Russie, traverse l’Ukraine, et descend ensuite vers le Sud en passant par la Moldavie, la Roumanie, la Bulgarie pour finir en Turquie”, détaille Sami Ramdani. Celui-ci est vide depuis que les Russes ont lancé le “Turkish stream” sous la mer Noire. Il est donc disponible pour faire circuler du gaz en sens inverse, du Sud vers le Nord, à partir des terminaux GNL construits en Turquie ou en Grèce. Une fois stocké en Ukraine, ce gaz serait ensuite redistribué dans tous les pays frontaliers.

Un arbitrage à trouver

“Ce système profiterait à tout le monde. L’Ukraine possède des tarifs de stockage très compétitifs. Par ailleurs, l’Europe ferait des économies en faisant venir du GNL en été à bon prix, lorsque la demande est plutôt faible “, explique Sami Ramdani. A condition bien sûr que la guerre ne vienne pas tout compromettre.

L’Ukraine possède 30 milliards de mètres cubes de capacités de stockage, situées pour l’essentiel à l’ouest du pays. “La partie souterraine composée de cavernes naturelles semble relativement immunisée contre les raids aériens, mais quid des pipelines ? Il faudra trouver le bon arbitrage entre la protection physique, en ensevelissant par exemple les tuyaux, la défense militaire de ces installations ainsi que le coût, et la durée, de reconstruction en cas d’attaque”, avertit Georg Zachmann, chercheur à l’Institut Bruegel.

La Commission européenne ne veut pas spéculer sur les infrastructures nécessaires. Mais elle confirme travailler avec les autorités ukrainiennes sur une liste de mesures de réduction des risques. “Celles-ci, indique un porte-parole, devraient permettre d’utiliser davantage les installations ukrainiennes dans les mois à venir, contribuant ainsi à la préparation de l’UE pour l’hiver 2024”.

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