Un océan sans plastique, c’est possible, par Teresa Ribera et Steven Guilbeault

Un océan sans plastique, c’est possible, par Teresa Ribera et Steven Guilbeault

Nous vivons entourés de plastique. Matériau polyvalent, dérivé en grande partie des combustibles fossiles, le plastique présente de nombreuses applications bénéfiques. Des dispositifs médicaux à la préservation des aliments pour éviter le gaspillage, le plastique est le secteur industriel récent qui s’est le plus développé et qui a le plus impacté les foyers du monde entier.

Cependant, au cours des dernières décennies, nous l’avons maltraité, étendant son utilisation à des fonctions inutiles. Sa consommation a augmenté de manière exponentielle : la production mondiale est passée de deux millions de tonnes en 1950 à près de 500 millions en 2023. Partout dans le monde, nous utilisons des matériaux qui mettent plus de 500 ans à se dégrader pour des utilisations ne durant que cinq minutes. Nous emballons et suremballons des articles de tous les jours comme l’eau, les fruits, la viande et le poisson dans du plastique. Nous emballons des contenants en plastique dans du plastique. Il y a du plastique dans la structure de nos maisons, dans les tableaux de bord de nos voitures, dans les fibres de nos vêtements.

Nous ajoutons des produits chimiques qui peuvent être dangereux et les combinons avec des polymères non recyclables, rendant leur réutilisation et leur recyclage impossibles. L’empreinte écologique mondiale est permanente, et son impact cumulatif est grave pour la vie des écosystèmes et la santé humaine. La pollution plastique dans l’océan a été multipliée par dix depuis 1980. 85 % des déchets en mer sont du plastique, menaçant la conservation des espèces. Les baleines, les dauphins et les marsouins, les oiseaux marins et les tortues confondent ces déchets avec de la nourriture ou s’y enchevêtrent. Même les habitats les plus inaccessibles de la planète – de l’Antarctique à la fosse des Mariannes – sont déjà touchés par la dégradation du plastique.

À travers la chaîne alimentaire, les microplastiques se retrouvent également dans nos corps, avec des conséquences mal comprises sur la santé humaine. La plupart des plastiques ne reçoivent aucun traitement à la fin de leur courte durée de vie, donc le problème de l’accumulation des déchets s’aggrave. Si nous ne prenons pas de mesures urgentes, les 11 millions de tonnes de plastique qui finissent dans l’océan chaque année tripleront au cours des vingt prochaines années.

Le problème mondial de la pollution plastique s’aggrave, mais nous avons les moyens de relever ce défi. Nous voyons la société civile organiser des campagnes de nettoyage à grande échelle pour éliminer les plastiques des terres, des rivières et des océans. Des entreprises prospères ont été établies en partenariat avec les communautés de pêcheurs sur la collecte et la réutilisation des plastiques marins.

Plus tard, c’est trop tard

Grâce à la recherche et au développement, l’écoconception évite la génération de déchets et contribue à améliorer leur gestion. Les gouvernements élaborent des règles pour le transport maritime sûr des granulés de plastique. La coopération entre tous ces acteurs engagés fait partie de la solution. Mais nous ne mettrons pas fin au problème de cette pollution à moins de penser à des solutions pour en réduire la production et la consommation à des niveaux durables. À problèmes mondiaux, solutions mondiales. Sur le front multilatéral, le traité sur les hautes mers adopté en 2023 est historique et nous aidera à protéger la biodiversité marine dans les eaux internationales. En décembre dernier, le sommet sur le climat de Dubaï s’est conclu par une décision jetant les bases de la transition hors des combustibles fossiles. Dans les négociations en cours sur l’exploitation des ressources du fond marin, nous privilégions le principe de précaution pour préserver notre patrimoine mondial. En accord avec ces avancées, il est également temps d’agir avec l’urgence et l’ambition nécessaires pour protéger les océans, et notre environnement plus largement, de la pollution plastique.

Il y a deux ans, lors de l’Assemblée des Nations Unies pour l’environnement, les chefs d’État et les ministres de 175 pays ont adopté une résolution historique : forger un accord international contraignant pour mettre fin à la pollution plastique. Ce mandat, fruit de la coopération multilatérale à son plus haut niveau, nous exhorte à faire aboutir les négociations en 2024. La communauté mondiale a salué cette décision car ce nouveau traité sera le plus important depuis la signature de l’Accord de Paris. Nous ne pouvons pas les décevoir. C’est dans ce contexte qu’aujourd’hui, à l’occasion de la Journée de la Terre, les ministres et d’autres représentants de haut niveau sont réunis à Ottawa avant la quatrième série de négociations. La communauté scientifique vient de tenir la Conférence décennale pour les océans à Barcelone. Nous avons renouvelé, lors de la conférence “Notre Océan” à Athènes, les engagements de nos gouvernements en matière de protection des réserves marines et de la biodiversité. En juin 2025, nous avons prévu de nous rencontrer à Nice pour la prochaine Conférence des Nations Unies sur les océans dans le but de rehausser l’ambition en matière de protection. C’est notre feuille de route collective. Il est temps d’affirmer notre engagement et de mettre sur la table tout le capital politique nécessaire pour la réunion d’Ottawa.

Dans les prochaines semaines, nos négociateurs devront faire progresser de manière significative le texte sur la portée, les mesures, les mécanismes de financement et les échéanciers pour mettre fin à l’utilisation abusive du plastique à l’échelle mondiale. Leur mandat est de préparer le terrain afin que, en décembre, le monde puisse célébrer l’arrivée de 2025 comme la première année de l’ère des océans sans plastique.

L’Espagne et le Canada s’engagent à être des défenseurs et des partenaires inébranlables dans cet effort et, forts de cet élan, en profitent pour d’ores et déjà travailler avec des partenaires, la société civile, les peuples autochtones et l’industrie afin de conclure cet accord historique pour mettre fin à la pollution plastique. Plus tard, c’est trop tard.

* Teresa Ribera est la troisième vice-présidente du gouvernement espagnol, ministre de la Transition écologique et du Défi démographique ; Steven Guilbeault est le ministre de l’Environnement et du Changement climatique du Canada.

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