Rémunération de Carlos Tavares : récit d’une polémique jusqu’au sommet de l’Etat

Rémunération de Carlos Tavares : récit d’une polémique jusqu’au sommet de l’Etat

C’est une rémunération qui continue de faire polémique… Les actionnaires de Stellantis, le quatrième groupe automobile mondial, donneront leur avis sur la rémunération controversée de leur directeur général Carlos Tavares, à l’occasion d’un vote non contraignant mais particulièrement scruté ce mardi 16 avril.

Récit d’un pataquès qui dure depuis plusieurs années, faisant réagir jusqu’au sommet de l’Etat français.

Acte I : interpellé par Emmanuel Macron en 2022

Une nouvelle fois pointé du doigt, le salaire de Carlos Tavares faisait déjà grincer des dents les années précédentes. Et ce, jusqu’au sommet de l’Etat : en avril 2022 déjà, le président français Emmanuel Macron avait jugé “choquant et excessif” le montant “astronomique” de sa rétribution pour l’année 2021. Elle s’élevait alors à près de 66 millions d’euros, soit environ 3 500 années de Smic) répartis entre 19 millions de rémunération, auxquels s’ajoutent un plan d’actions gratuites de 32 millions d’euros et une rémunération de long terme payable en cash de 25 millions d’euros.

En réaction, le président de la République française s’était alors prononcé pour la mise en place de plafond contre les rémunérations abusives pour les patrons, européens, au niveau de l’UE. “Il faut se donner des plafonds et avoir une gouvernance pour notre Europe qui rende les choses acceptables, sinon la société, à un moment donné, explose. Les gens ne peuvent pas avoir des problèmes de pouvoir d’achat […] et voir ces sommes”, avait-il alors expliqué. Le projet n’a pas abouti depuis.

Acte II : du simple au double

Après être “redescendu” au niveau de 19 millions d’euros pour l’année 2022, le salaire du PDG du groupe franco-italo-américain augmente une nouvelle fois cette année. Il atteindra jusqu’à 36,5 milliards d’euros pour l’année 2023, soit quasiment le double, a annoncé le groupe le 23 février.

Il touchera dans un premier temps 23,5 millions d’euros. Versée en grande partie en actions, cette rémunération augmente aussi avec la valeur du titre du groupe, qui a quasiment doublé depuis trois ans. Avec ses marques Peugeot, Citroën, Fiat ou Dodge, Stellantis a publié le 15 février 2024 un nouveau bénéfice record de 18,6 milliards d’euros pour 2023, en hausse de 11 % sur un an. Ce salaire faramineux est aussi dû en grande partie au versement d’une prime de dix millions d’euros pour la “transformation” du groupe, né en 2021 de la fusion entre PSA et Fiat Chrysler. Une récompense après avoir lancé en Moselle la production de moteurs électriques et de boîtes de vitesses pour voitures hybrides.

Un graphique montrant les résultats nets part du groupe de 35 entreprises du CAC 40 publiés au 29 février 2024.

Stellantis argumente désormais qu’il faut plutôt comparer cette rémunération avec celles de multinationales comme Boeing aux Etats-Unis (Dave Calhoun, 33 millions de dollars pour 2023). Le groupe réalise en effet la majorité de ses ventes en Europe, mais tire l’essentiel de ses profits du marché américain. Ce salaire correspond à “une dimension contractuelle entre l’entreprise et moi, comme pour un joueur de foot et un pilote de Formule 1”, expliquait d’ailleurs Carlos Tavares en déplacement lundi à l’usine de Trémery (Moselle), lundi 14 avril. “Si vous estimez que ce n’est pas acceptable, faites une loi et modifiez la loi et je la respecterai”, a-t-il ajouté.

Quelques jours avant d’annoncer le salaire annuel de son patron, le géant automobile a indiqué le 15 février qu’il allait redistribuer près de 1,9 milliard d’euros à ses salariés dans le monde. En France, cela représente un minimum de 4 100 euros pour les plus bas salaires. Les actionnaires du groupe recevront de leur côté autour de 7,7 milliards d’euros pour l’exercice 2023, entre les dividendes et un programme de rachat d’actions.

Acte III : vote consultatif des actionnaires

Un vote de l’Assemblée générale de l’entreprise se déroulera donc aujourd’hui Amsterdam, où est situé son siège social, à partir de 14 heures. Les actionnaires du groupe voteront pour se prononcer sur le montant du salaire de Carlos Tavares. La tendance s’annonce plutôt négative, mais ce vote est purement consultatif car aligné sur le droit néerlandais. Les actionnaires avaient déjà rejeté la rémunération du PDG pour l’exercice 2021 avant de la valider pour 2022 à près de 80 %.

Cette année, plusieurs sociétés de conseil aux investisseurs ont recommandé de voter contre. L’agence américaine Glass Lewis met par exemple en avant le fait que “des augmentations significatives de la rémunération cible du PDG dans un contexte de licenciements massifs peuvent entraîner une disparité entre la rémunération des dirigeants et les parties prenantes (clients, fournisseurs, actionnaires, employés, banques, NDLR)”.

L’effectif du groupe a fondu de 12 % pour atteindre 242 000 salariés dans le monde, soit 30 000 salariés de moins en un an. La CGT Stellantis a de son côté décrié un salaire “totalement choquant et scandaleux” équivalant à 100 000 euros par jour, soit “une augmentation de près de 50 %, quand la plupart d’entre nous ont eu seulement 3,7 %, et galèrent pour finir le mois”.

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