Cessez-le-feu à Gaza : un tournant dans les relations entre Israël et les Etats-Unis ?

Cessez-le-feu à Gaza : un tournant dans les relations entre Israël et les Etats-Unis ?

Entre Washington et Tel-Aviv, les tensions vont crescendo. Depuis plusieurs semaines, l’administration américaine ne fait pas l’économie de critiques à l’encontre de Benyamin Netanyahou dans sa conduite de la guerre à Gaza. Des sermons que le Premier ministre israélien goûte peu. Ce dernier n’a d’ailleurs pas hésité à réaffirmer son intention de lancer une offensive sur Rafah, alors que Joe Biden a exhorté Israël à ne pas attaquer cette ville du sud de Gaza.

Mais ce lundi 25 mars, un point culminant dans cette escalade des tensions semble avoir été atteint : en s’abstenant au Conseil de sécurité des Nations unies, les Etats-Unis ont permis l’adoption d’une résolution exigeant un “cessez-le-feu immédiat”. Une première, qui constitue un tournant majeur ans la diplomatie américaine, dont le soutien à Israël apparaissait jusqu’alors sans faille. Retour sur les dernières vingt-quatre heures qui ont catalysé les dissensions entre les deux alliés historiques.

Acte I : Washington s’abstient

Ce lundi 25 mars, les quinze membres élus du Conseil de sécurité se sont réunis au siège de l’Organisation des Nations Unies (ONU) à New York. À l’ordre du jour, une résolution appelant à un cessez-le-feu humanitaire immédiat dans la bande de Gaza. La dixième depuis l’attaque du 7 octobre dernier à l’origine du déclenchement du conflit entre Israël et le Hamas.

Le texte, qui a été soumis au vote, comprend trois exigences : “un cessez-le-feu immédiat pendant le mois du ramadan qui soit respecté par toutes les parties et mène à un cessez-le-feu durable”, la “libération immédiate et inconditionnelle de tous les otages et la garantie d’un accès humanitaire pour répondre à leurs besoins médicaux et autres besoins humanitaires” et le respect par chaque partie des obligations que leur impose le droit international à l’égard des personnes détenues.

Ce texte recueille la quasi-unanimité. Les Etats-Unis s’abstiennent, Washington exigeant une condamnation plus explicite du Hamas. Car si l’organisation terroriste avait accepté la libération des otages, un cessez-le-feu aurait pu intervenir “il y a des mois”, a fait valoir l’Ambassadrice et représentante permanente des États-Unis, Linda Thomas-Greenfield à l’issue du vote.

Acte II : annulation de la venue à Washington de la délégation israélienne

Reste qu’en s’abstenant, les Etats-Unis ont, in fine, permis l’adoption d’une résolution réclamant un cessez-le-feu sans délai. Un virage diplomatique à 180 degrés pour cet allié historique d’Israël qui s’était jusqu’alors opposé à tout projet de cessation des combats dans la bande de Gaza. À l’instar du 20 février dernier, lorsqu’ils avaient opposé leur droit véto à un texte analogue.

Furibond, Benyamin Netanyahou décide d’annuler séance tenante l’envoi d’une délégation israélienne attendue cette semaine à Washington. Ses émissaires, et plus proches collaborateurs, Ron Dermer et Tzachi Hanegbi, devaient notamment discuter de l’offensive de grande envergure prévue à Rafah, et à laquelle la Maison-Blanche s’oppose.

En rupture totale avec “la position des Etats-Unis depuis le début de la guerre”, la décision de Washington prise ce lundi “nuit aux efforts de guerre et aux efforts visant à libérer les otages”, a tancé en fin de journée le premier ministre israélien. Benyamin Netanyahou redoute notamment qu’une telle résolution ne “donne l’espoir au Hamas que la pression internationale leur permettra d’obtenir un cessez-le-feu sans libération (des) otages”.

Acte III : “Pas d’un changement de cap” à Washington

En réponse, les Etats-Unis se sont dits “très déçus” par l’annulation d’une visite qui aurait permis “d’avoir une conversation approfondie à propos des alternatives crédibles à une opération terrestre à Rafah”, a fait valoir le porte-parole du Conseil de sécurité nationale, John Kirby lundi soir. Et de laisser entendre que “les services du Premier ministre (israélien, NDLR) cherchent à créer l’impression d’une divergence” entre les deux alliés.

De quoi faire oublier les récentes sorties médiatiques de Joe Biden, qui a multiplié ces dernières semaines les condamnations de l’offensive israélienne à Gaza. Jusqu’à affirmer le 10 mars dernier, que Benyamin Netanyahou fait “plus de mal que de bien à Israël”. Mais ce lundi, les Etats-Unis l’assurent : l’abstention des Etats-Unis “ne représente pas un changement de cap”.

Tiraillé entre le souci de préserver son allié historique et la nécessité de maintenir une distance avec les ministres suprémacistes de l’entourage de Netanyahou alors qu’il est en pleine course à l’élection présidentielle aux Etats-Unis, Joe Biden marche sur des œufs au Proche-Orient.

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