Croissance chinoise : malgré le rebond surprise, “les problèmes demeurent”

Croissance chinoise : malgré le rebond surprise, “les problèmes demeurent”

La publication des chiffres de la croissance de la Chine est toujours un rendez-vous suivi de près par les analystes. D’autant qu’en 2023, la deuxième puissance économique mondiale a affiché son plus faible rythme depuis trente ans, à l’exception des années Covid. Ce mardi 16 avril, les autorités du pays ont fait état d’une progression inattendue du PIB de 5,3 % au premier trimestre, plus soutenue que prévu.

Pour l’économiste Mary-Françoise Renard, professeure à l’université Clermont-Auvergne et autrice du livre La Chine dans l’économie mondiale, le gouvernement chinois pourrait se servir de cette “bonne nouvelle” pour mettre en avant l’effet de certaines mesures mises en place ces derniers mois. En réalité, de nombreux risques pèsent toujours sur l’économie du pays.

Les chiffres qui viennent d’être publiés sont-ils vraiment surprenants ?

Cela dépend des analystes. Des experts avaient publié des prévisions qui ne sont pas très éloignées de ce que l’on observe. Mais les tendances de fond de la croissance chinoise n’ont pas changé. C’est pour cela que l’on n’est pas nécessairement très optimiste. Le gouvernement n’a toujours pas décidé d’un grand plan de relance qui permettrait de penser que les choses vont s’améliorer.

Le gouvernement pourrait-il se servir de ces résultats pour mettre en avant la capacité du pays à rebondir ?

Très probablement. Il y a effectivement eu une augmentation de la production industrielle, des exportations, ainsi qu’une reprise des services : les restaurants, les transports, le tourisme, etc. Par ailleurs, le chômage se stabilise. D’une certaine manière, c’est une bonne chose. Le gouvernement a pris des mesures de relance très ponctuelles sur certains secteurs spécifiques et assure qu’elles ont produit leurs effets. Comme toujours quand on analyse la conjoncture, il s’agit d’une vue à très court terme et non pas structurelle. Or, l’année dernière, en 2023, à la même période, les résultats de l’économie n’étaient pas bons.

Pour autant, cela ne veut pas dire que l’objectif d’une croissance à 5 % cette année, fixé par le pouvoir chinois, est plus réaliste qu’avant…

Sans doute qu’on n’en sera pas très loin, mais il est difficile d’être plus précis. A juste titre, on s’intéresse toujours aux chiffres de la Chine dès qu’ils viennent d’être publiés. Cependant, à très court terme, on ne peut pas en tirer énormément d’enseignements. Mais sur le fond, les problèmes demeurent.

Quels sont ces risques persistants sur la croissance chinoise ?

L’immobilier, d’abord, qui n’a toujours pas terminé sa transition. Les prix ont beaucoup baissé et le gouvernement espère que cela relancera le secteur, mais comme les Chinois ont placé leur épargne et investi dans l’immobilier, la situation est évidemment très préjudiciable pour la population.

Le gouvernement a-t-il pris les mesures nécessaires pour contenir cette crise ?

Il en a pris un certain nombre, mais cela prend du temps. On voit bien qu’il laisse des entreprises tomber en faillite de façon à assainir l’économie. Par ailleurs, toute l’organisation institutionnelle chinoise, avec les gouvernements locaux, est imbriquée dans ce secteur de l’immobilier et donc la transition est nécessairement très longue.

Personne ne peut dire pour l’instant combien de temps cela prendra. Cette crise pèse beaucoup sur l’économie. Sa situation dépend notamment de ses relations avec les autres pays. La Chine compte aujourd’hui essentiellement sur l’innovation et les nouvelles technologies pour maintenir la croissance. Elle a mis en place une politique industrielle et commerciale extrêmement efficace dans ce secteur.

Le pouvoir chinois pourrait-il relancer la consommation, jugée en berne ?

Il en aurait la capacité avec des politiques de redistribution, ce qu’il n’a pas l’intention de faire visiblement. Il y a des mesures ponctuelles qui ont été prises pour les consommateurs, mais ça n’est sans doute pas suffisant pour changer profondément les choses. Cela étant, la consommation n’est pas non plus atone, notamment en matière de services, mais elle ne peut pas prendre le relais de l’investissement aujourd’hui.

Pourquoi le gouvernement rechigne-t-il à lancer un grand plan de réformes ?

Beaucoup d’économistes chinois ont plaidé en ce sens mais ce n’est pas la voie qu’il a choisie. Il opte plutôt pour une politique d’offre en soutenant les entreprises et la production. Le président, Xi Jinping, donne la priorité à la sécurité sur la croissance économique, en limitant les risques tout en gardant de la stabilité. Pékin a par exemple assoupli les conditions d’achat d’un premier logement, mais ce sont des mesures ponctuelles. Il y a beaucoup d’argent qui a été dépensé par les gouvernements locaux dans les infrastructures pour répondre aux objectifs de croissance de court terme. Il aurait sans doute mieux valu œuvrer en faveur du niveau de vie de la population et de la confiance.

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