Déficit public : le Sénat met la pression sur Bercy

Déficit public : le Sénat met la pression sur Bercy

Décidément, ce début d’année n’est pas un long fleuve tranquille pour Bruno le Maire. Alors qu’il a déjà annoncé 10 milliards de coupes dans les dépenses de l’Etat en 2024 et prévoit 20 milliards d’économies supplémentaires en 2025, voilà que le locataire de Bercy se retrouve sous la pression du Sénat. Le rapporteur général de la commission des Finances de la chambre haute, Jean-François Husson, s’est en effet invité ce jeudi 21 mars au ministère de l’Economie et des Finances pour tenter d’en savoir plus sur l’ampleur du déficit de la France en 2023.

Un contrôle “pièce et sur place” qui “vise à obtenir communication de l’ensemble des notes et documents produits par les services de Bercy et expliquant cette dégradation”, résume dans un communiqué la commission, qui voit dans le “manque patent d’informations à disposition du Parlement”, une marque de “mépris” du gouvernement à l’égard du pouvoir législatif.

Un déficit qui avoisinerait les 5,6 % du PIB

Car si aucun chiffre officiel n’a pour l’heure été publié, l’objectif de 4,9 % du produit intérieur brut (PIB) visé par l’exécutif risque fort de ne pas être atteint. Au contraire, le déficit dépasserait même “significativement” les prévisions de Bercy. Qu’il soit de 5,6 %, comme l’ont affirmé mercredi nos confrères des Echos, ou de 5,5 % comme l’assure Le Figaro, le compte n’y est pas. Et d’après les informations recueillies cet après-midi par Jean-François Husson, les services de Bercy tablent sur un dérapage du déficit public de l’ordre de 5,6 % du PIB en 2023, de 5,7 % en 2024 et de 5,9 % en 2025.

À cinq jours de la publication du chiffre officiel du déficit public de 2023 par l’Insee, le sénateur Les Républicains dénonce une “gestion budgétaire calamiteuse” et la “rétention d’information” du gouvernement sur ces chiffres, qui relèvent néanmoins selon lui d’une “prévision technique à prendre avec précaution”.

Un déficit public sans précédent depuis 1958

Depuis plusieurs jours, les interrogations fusaient dans les salons feutrés du Palais du Luxembourg : “Depuis quand cette dégradation est-elle connue ? Quelle en est l’ampleur exacte ? Quels en sont les facteurs (moindres recettes, dépenses en hausse) ? Quel impact sur la trajectoire de redressement […] qui semblerait à première vue intégralement remise en cause ?” ou encore : “Comment (le gouvernement) a pu se tromper à hauteur d’environ 20 milliards d’euros sur sa trajectoire budgétaire ?”

En tout état de cause, la commission des Finances de la chambre haute se veut formelle : “Le Sénat doit intervenir pour comprendre comment il a été possible d’arriver à un niveau de déficit qui, s’il était confirmé à 5,6 %, n’aurait jamais été atteint sous la Ve République hors récession et hors crise”.

Un projet de loi finance rectificative exclu

Le coup de pression des sénateurs survient au lendemain d’une réunion en comité resserré au Château. Entouré de plusieurs ministres et de quelques cadres de la majorité, le président de la République aurait déclaré mercredi soir : “On doit faire face à un choc économique conjoncturel lié notamment à la géopolitique. On assume et on dit la vérité aux Français”. Reste que si le déficit dérape, l’exécutif pourrait être contraint de présenter un projet de loi de finances rectificative (PLFR) au Parlement.

Une option qu’Emmanuel Macron semble avoir déjà écartée. Trop risquée. Davantage à l’heure où le camp présidentiel ne dispose que d’une majorité relative à l’Assemblée nationale et pourrait ainsi s’exposer à un vote de censure. Interrogé jeudi à Bruxelles sur l’éventualité d’un PLFR, le chef de l’Etat a pris le parti de ne pas se prononcer. Seulement a-t-il martelé : “La France doit être claire : nous devons être responsables en termes de finances publiques et garder nos ancres.”

Au Palais Bourbon, le président de la commission des Finances de l’Assemblée nationale, Eric Coquerel est catégorique : pas question d’effeuiller la dépense publique. Selon lui, le dérapage attendu du déficit “n’a pas pour origine un accroissement des dépenses mais une baisse des recettes”, a-t-il assuré sur X (anciennement Twitter). Et le cadre Insoumis d’alerter : “Si on baisse davantage les dépenses publiques, ça contractera encore plus l’activité économique et donc les rentrées fiscales.”

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *