Emploi des seniors : les entreprises françaises peu mobilisées

Emploi des seniors : les entreprises françaises peu mobilisées

Qui n’a jamais pensé tout plaquer pour changer de métier ? Parfois subie, souvent choisie, la reconversion n’a jamais autant taraudé les Français, surtout après la pandémie de Covid-19. Pour donner du sens à leur quotidien, mieux gagner leur vie ou tout simplement changer d’air. Mais tout le monde n’est pas égal selon son âge pour tenter l’aventure.

Après l’adoption – dans la douleur – de la réforme des retraites l’an dernier (passage de l’âge légal de départ de 62 à 64 ans), le gouvernement a réitéré sa volonté d’inciter les entreprises à conserver leur population senior plus longtemps. Objectif : améliorer le taux d’emploi des 55-64 ans, aujourd’hui l’un des plus faibles de l’Union européenne (56,9 % contre 62,4 % dans l’UE en 2022 selon la Dares), quoique en légère progression, mais loin derrière ceux de pays comme l’Allemagne (73,3 %) ou la Suède (77,3 %). Côté entreprises, on constate que la mobilisation n’est pas au rendez-vous. Selon une enquête du cabinet Oasys (mai 2023), 73 % d’entre elles affirment n’avoir toujours pas engagé de politiques spécifiques sur le sujet, 21 % se contentant d’envisager, à court terme, de mettre en place des actions de sensibilisation du management pour “lutter contre les a priori et les préjugés liés à l’âge”.

Des managers peu impliqués

Ce manque d’enthousiasme à leur endroit n’échappe pas à la lucidité des seniors. Selon l’étude The New Human Age réalisée par Manpower Group en novembre 2022, 38 % seulement des salariés âgés de 55 à 64 ans estiment que leur manager s’implique dans leur développement de carrière, et seulement 43 % que leur employeur les encourage à suivre des formations. “Malgré un ralentissement économique depuis quelques mois, les entreprises restent obsédées par la nécessité de recruter les profils et les compétences qui leur sont nécessaires pour poursuivre et accélérer leur développement dans un contexte du marché de l’emploi tendu, analyse Arnauld Fourniol, directeur de la transformation RH chez Mercer France. La formation des salariés les plus âgés ne représente vraiment pas leur priorité. Les entreprises se montrent davantage mobilisées à leur proposer des mesures d’accompagnement progressives vers la retraite. Les seniors doivent donc se prendre en main pour maintenir leur employabilité.”

Géant mondial de la restauration collective, le groupe Sodexo fait partie des sociétés les plus proactives en faveur de ses employés expérimentés. Dans le cadre des accords de gestion des emplois et des parcours professionnels, l’entreprise a instauré un temps partiel senior, des bilans retraite et des modules de formation… Du côté du motoriste aéronautique et spatial Safran, qui compte dans ses effectifs 13 500 personnes âgées de plus de 50 ans en France (sur un total de 43 200), des mesures de temps partiel aidé pour qu’elles puissent travailler plus longtemps ont été mises en place. Et, dans le cadre d’un accord signé avec l’ensemble des organisations syndicales, l’entreprise a aussi promis un “effort” sur la formation continue pour cette catégorie spécifique de son personnel.

Des salariés très motivés

Et si, au-delà de cette mesure d’accompagnement proposée par les ressources humaines, la solution, pour maintenir les salariés “âgés” dans l’entreprise, résidait dans l’instauration d’une confiance réciproque entre les deux parties ? Comme à Frans Bonhomme (2 200 salariés), société spécialisée dans la distribution de matériaux pour réseaux et infrastructures, où la population senior représente 20 % de l’effectif. “En 2022, nous n’avons compté qu’une quinzaine de départs à la retraite, alors que de nombreuses personnes possédaient l’ensemble de leurs trimestres. Nos seniors sont tout autant motivés que les autres, car ils savent – ils nous l’ont confié dans une étude QVT (qualité de vie au travail) interne -, que nous les associons systématiquement à l’ensemble de notre stratégie d’entreprise, notamment en matière de conquête commerciale. Nul ne connaît mieux qu’eux l’ADN de l’entreprise, et surtout ses clients.”

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