Européennes : sur la liste du RN, jeune garde, ralliements et reconduction

Européennes : sur la liste du RN, jeune garde, ralliements et reconduction

Il pleut des cordes à Perpignan. L’Internationale résonne dans les allées de la ville, entonnée par quelques militants de la CGT. Mais ce n’est pas vraiment le thème de la journée. Quelques centaines de mètres plus loin, au Palais des congrès, le Rassemblement national organise son traditionnel rassemblement du 1er mai. Pas d’hommage à Jeanne d’Arc, cette année, mais l’occasion, pour Jordan Bardella, la tête de liste du parti d’extrême droite pour les élections européennes, de présenter sa liste. Un mélange de ralliements, de reconduction et de cadres récompensés pour leur bonne conduite.

Sur place, jeunes profils et vieux routiers se jaugent. L’heure est aux civilités pour le gratin frontiste. On se rue vers la jeune garde du chef de parti, récompensée par des places éligibles. “Félicitations !”, glissent quelques députés à Pierre-Romain Thionnet, président du RNJ et proche de Jordan Bardella, placé en 23e position sur la liste, qui esquisse un sourire pour l’occasion.

Certains, en interne, étaient plutôt contre cette promotion. Des proches de Marine Le Pen, notamment, trouvent le profil du jeune homme trop identitaire et pas très dédiabolisation-compatible. Mathilde Androuët, fidèle du chef de parti, déjà élue au Parlement européen en 2019, a réussi quant à elle à se hisser à la 4e place. Cette position avantageuse ne l’empêche pas de hausser le ton sur les bénévoles qui ont le mauvais goût de placer des chaises à l’endroit où Jordan Bardella a prévu de faire son bain de foule. Il y a aussi Gaétan Dussaussaye, autre représentant de la génération Bardella, ancien président du mouvement jeune, plus ou moins récompensé par la 29e position.

Ralliements et reconduction

Dans le carré VIP, quelques députés RN transpirent à grosses gouttes. Il fait très chaud dans la salle où se pressent des centaines de militants. Ils ont un peu fait la fête la veille, ne connaissent pas le contenu de la liste et ne s’y intéressent pas particulièrement. Mais c’est bien de faire le déplacement. “Ah c’est elle Piera ?”, se demande un parlementaire, manifestement pas au fait des nouvelles arrivées, en voyant passer Pascale Piera, magistrate et nouvelle recrue frontiste. A ses côtés, l’ancien directeur de Frontex Fabrice Legieri, l’ex policier Mathieu Valet, l’avocat de la Manif pour Tous Alexandre Varaut et l’essayiste venue de la droite Malika Sorel. Bons élèves, ils se pressent au premier rang sous les regards des cadres du parti qui ont déjà des années de Front à leur actif. “Elle, ça ne va pas être un cadeau au Parlement européen”, se plaint par avance un élu à propos de Malika Sorel, déjà réputée en interne pour être “ingérable”.

Les reconduits, eux, prennent des airs d’anciens combattants. Le président de la délégation Jean-Paul Garraud, numéro 5, serre des pinces d’un air satisfait; le beau-frère et conseiller de Marine Le Pen, Philippe Olivier, numéro 11, dodeline de la tête au milieu des élus; Virginie Joron, numéro 16, rescapée malgré ses positions embarrassantes antivax, se glisse dans un coin du carré. Il y a aussi Thierry Mariani, en 9e position, trop important pour être évincé malgré son positionnement pro-russe qui fait un peu tâche dans la nouvelle vitrine frontiste. Des jeunes militants sillonnent la salle pour parfaire leur réseau, et jettent un œil gourmand ce nouveau vivier de postes d’assistants prometteur. Les temps de disette, où le parti ne permettait pas de faire carrière, semble révolu.

Récompenses des cadres

Ici et là, des élus bombent le torse en se targuant d’avoir placé leurs proches en position éligible, démonstration supposée de leur influence interne. Julie Rechagneux, conseillère régionale de Nouvelle-Aquitaine a ainsi gagné son ticket d’entrée à Bruxelles. Comme la conseillère de Paca Eléonore Bez. Sébastien Chenu se félicite de voir le Nord bien représenté avec Mélanie Disdier, en 6e position, Louis Aliot lui, a coopté Julien Leonardelli, numéro 27. C’est aussi l’occasion de récompenser les cadres pour leur travail, comme le maire de Beaucaire Julien Sanchez, en numéro 17, ou le directeur général du parti Gilles Pennelle, numéro 15. Depuis son estrade, Jordan Bardella présente sa nouvelle équipe, dont les visages apparaissent tour à tour sur l’écran géant, façon sélection d’équipe de foot. Si le RN récolte les 30% de voix que lui promettent les sondages, il devrait porter une trentaine d’élus au Parlement européen lors du scrutin du 9 juin.

Plus loin, les éconduits n’ont pas franchement l’air ravis. Jean-Lin Lacapelle, pourtant proche de Jordan Bardella, n’a pas eu sa place sur la liste. Il papillonne un peu dans la salle aux côtés d’André Rougé, repêché à la dernière minute. La liste qui se veut “à l’image de ce qu’est devenu le parti”, ne respecte pas la promesse initiale de Jordan Bardella : un tiers d’élus RN, un tiers de la société civile et un tiers, mais les promesses n’engagent que ceux qui y croient, et puis qui s’en souvient vraiment ?

Mise en garde contre la “dispersion” des voix

L’enjeu, aujourd’hui, est plutôt d’appeler à la mobilisation. “J-39 pour gagner” affiche le grand écran. Sur scène, Marine Le Pen appelle à “un seul vote, celui de Bardella”. Ce dernier, lui, alerte sur les dangers de l’abstention et de la “dispersion” de ses électeurs qui seraient tentés par d’autres “listes patriotes”. Il parie d’ailleurs que la liste de Reconquête ne dépassera pas les 5 %, et offre un baiser de la mort à son adversaire en s’appropriant le “suicide français”, formule d’Eric Zemmour. Entre deux appels au vote, Jordan Bardella trouve le temps de faire huer Complément d’enquête, l’émission de France 2, les “associations pro migrantes d’extrême-gauche”, Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon, et de se faire applaudir au moment d’enlever sa veste de costard.

L’occasion, aussi, de remettre l’église au milieu du village frontiste. “Nous sommes les seuls à avoir mis dans le débat public cette question de l’identité et de la culture française. Le 9 juin sera un vote de civilisation, il s’agira de dire ce que nous sommes, et ce que nous voulons rester”, assène Jordan Bardella, assurant que ces élections européennes seront un “grand référendum sur l’immigration”. “Il existe un lien entre les terroristes et l’immigration, entre l’immigration et l’insécurité”, soutient encore la tête de liste en fustigeant “l’immigration de guichet” et rappelant la volonté du parti de restreindre les aides sociales aux seules familles françaises. Un service minimum qui ne fait pas de mal et rappelle aux militants extérieurs qu’à Perpignan, plus grand monde ne chante l’Internationale.

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