Grippe aviaire : l’Antarctique face au scénario du pire

Grippe aviaire : l’Antarctique face au scénario du pire

En France, depuis le 5 décembre, les éleveurs de plein air sont contraints de confiner leurs volailles. En cause, l’apparition de plusieurs foyers de d’influenza aviaire hautement pathogène dans différents départements. Dernier en date : plusieurs cas identifiés dans un élevage de canards en Vendée. Alors que le virus progresse dans l’Hexagone et dans toute l’Europe occidentale, provoquant la détresse de nombreux professionnels, c’est à l’autre bout du monde que les scientifiques regardent. Car la maladie se propage chez les mammifères sauvages, et a touché pour la première fois des manchots en Antarctique. “Un des plus grands désastres écologiques des temps modernes”, comme l’anticipaient il y a quelques mois plusieurs spécialistes, est malheureusement en train de se réaliser.

C’est lundi 29 janvier que l’histoire bascule. Un manchot royal est découvert mort sur l’île de Géorgie du Sud. Cet individu aurait été infecté par H5N1, rapporte l’Antarctic Wildlife Health Network, bien que des investigations soient encore en cours car les enquêteurs n’ont constaté aucune augmentation du nombre de décès de manchots à cet endroit. Toujours en Antarctique, à quelque 900 kilomètres plus à l’ouest, sur une île des Malouines, ce sont deux manchots papous – une autre espèce de ces oiseaux noirs et blancs bien connus – qui sont découverts mort peu de temps après. Eux, c’est certain, ont succombé à l’influenza aviaire. Citée par le New York Times, Sally Heathman, responsable des communications du gouvernement de l’archipel britannique, va plus loin, et indique qu’au 30 janvier “plus de 200 poussins morts ou mourants ont été signalés”. Certains semblaient malades ou léthargiques, et un petit nombre présentaient des symptômes neurologiques. Des tests sont en cours pour détecter une éventuelle infection au H5N1.

Après avoir conquis l’Amérique du Sud, le virus a été détecté pour la première fois en octobre dernier dans la région Antarctique sur différents animaux : goélands dominicains, éléphants de mer ou otaries à fourrure. Avant cette date, aucun virus hautement pathogène de la grippe aviaire n’avait jamais été documenté dans la région. Les manchots possèdent donc probablement une immunité très réduite pour se défendre. Or, des épidémies antérieures dans d’autres régions du monde ont montré que ces oiseaux sont sensibles à la maladie. Au Chili, par exemple, où H5N1 se propageait rapidement l’année dernière, l’épidémie a provoqué la mort de milliers de manchots de Humboldt.

Si l’étendue de la propagation du virus parmi les populations de manchots de l’Antarctique reste incertaine, les scientifiques se montrent inquiets en raison de leur organisation sociale. Actuellement, on assiste à la formation de gigantesques colonies de dizaines de milliers de manchots pour la saison de la reproduction. Le risque est donc réel : une fois qu’un individu sera infecté, le virus pourrait se propager rapidement, un peu à l’image d’un élevage intensif, provoquant une mortalité massive.

Le défi de stopper la propagation du virus

Jusqu’à présent, aucun cas n’a été enregistré sur le continent antarctique en lui-même, selon des données cartographiques, mais cela pourrait s’expliquer par le nombre très peu élevé de personnes présentes pour enregistrer d’éventuels décès. La grippe aviaire s’ajoute aux pressions déjà subies par ces écosystèmes polaires vierges : une étude de 2018 avertissait que les manchots de l’Antarctique, déjà menacés par la crise climatique et la surpêche, “pourraient disparaître” d’ici la fin du siècle. Le virus pourrait par ailleurs décimer les populations de phoques et d’otaries dans la région, qui se regroupent également en colonie pour se reproduire. A peine plusieurs mois après les premiers cas détectés en Amérique du Sud, des dizaines de milliers de spécimens ont été signalés morts. H5N1 se propage, irrémédiablement, et l’arrêter semble désormais quasiment impossible.

A l’extrême opposé, au pôle Nord, la maladie ravage également les populations sauvages de l’Arctique. En décembre, il a été confirmé que, pour la première fois, un ours polaire était mort de H5N1. Mais, compte tenu de leur présence dans des endroits isolés, il est fort possible que d’autres individus aient contracté le virus.

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