Hydrogène : importer ou produire ? Le dilemme de la France

Hydrogène : importer ou produire ? Le dilemme de la France

Une route au sud, une autre au nord… La carte du futur réseau européen d’approvisionnement en hydrogène commence à prendre forme. Mais une question demeure : à quel point la France fera-t-elle partie de ce nouveau maillage ?

Dans son bureau parisien, Pierre-Etienne Franc, directeur général d’Hy24, commente l’avancée des différents projets. H2Med ? Ce pipeline reliant Barcelone à Marseille et récemment élargi à l’Allemagne doit à terme acheminer 10 % des besoins de l’Union européenne en hydrogène. “Mais il avance plutôt par à-coups ces dernières années. Dans d’autres régions, les choses vont beaucoup plus vite”, précise celui qui dirige le plus grands fonds mondial d’investissement dédié à l’hydrogène. Ainsi, à l’avenir, l’essentiel du transit pourrait passer par la mer du Nord et le Benelux, avec des pipelines connectant le port de Rotterdam à la région industrielle de la Ruhr. Plus au sud, deux autres tracés jouent des coudes, l’un partant du Maghreb vers l’Italie et l’autre passant par la Grèce.

Future plaque tournante ?

L’Allemagne, qui compte beaucoup sur l’hydrogène pour décarboner son mix énergétique, suit de près ces développements. “Ses diplomates s’agitent sur tout le pourtour méditerranéen afin de “sourcer” de la molécule pour les décennies à venir. Ils prospectent même jusqu’en Namibie, même si ce pays ne fait pas partie des fournisseurs les plus crédibles”, poursuit Pierre-Etienne Franc. La France, elle, ne se livre pas encore à ce genre d’exercice. Tournée en priorité vers une production d’hydrogène nationale, elle vient tout juste d’ouvrir la porte aux importations futures, sans se donner d’objectifs précis. Bien que pragmatique, cette nouvelle orientation fait grincer des dents du côté des producteurs nationaux. “On s’éloigne de l’objectif de souveraineté énergétique du plan européen adopté après le début de la guerre en Ukraine”, soulignait récemment dans la presse Matthieu Guesné, le PDG de Lhyfe, une entreprise spécialisée dans la production d’hydrogène vert.

Située entre la péninsule Ibérique, tournée vers les parcs éoliens et photovoltaïques, et les grands pôles de consommation d’hydrogène comme l’Allemagne, la France a pourtant intérêt à devenir une plaque tournante par laquelle transiteraient les précieuses molécules. “Cela ne lui coûterait pas très cher, car elle pourrait monétiser son statut de zone de transit. En plus, elle pourrait aider ses industries électro-intensives en leur fournissant de l’hydrogène à un prix plus compétitif. Enfin, elle aurait moins besoin de subventionner la production locale”, avance Pierre-Etienne Franc.

Mais trouver le bon dosage entre production nationale et importation ne sera pas facile. Le gouvernement a mandaté son administration afin d’élaborer un rapport sur le sujet. “Plus la production d’hydrogène sera délocalisée vers des régions aux coûts compétitifs, plus le risque est grand de voir les industries se délocaliser au plus proche des lieux de production”, prévient le professeur en géopolitique de l’hydrogène à Sciences po Mikaa Blugeon-Mered. En attendant un positionnement plus clair de la France, l’Espagne étudierait la possibilité de livrer son hydrogène à Rotterdam… par bateaux.

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