“Le quinquennat est à la croisée des chemins” : et Le Maire lança son offensive pour 2027

“Le quinquennat est à la croisée des chemins” : et Le Maire lança son offensive pour 2027

“Est-ce qu’il y a un tabou là-dessus, sinon je dis ce que j’en pense ?” Cela s’appelle mettre les pieds dans le plat et les pieds, ce jour-là, ne sont pas ceux de n’importe qui. Le samedi 9 février, Gérald Darmanin, tout ministre de l’Intérieur qu’il soit, laisse de côté les questions sécuritaires pour s’interroger, et de quelle manière, sur les choix financiers du gouvernement. Il faut faire des économies, c’est entendu, mais comment et lesquelles ? Celui qui maugrée parfois en privé contre “le lemairisme” soigne sa ligne : lui ne veut pas que les dépenses sociales soient les plus percutées. Et il fait de la politique : un collectif budgétaire, en plein printemps ? Comme lui, Gabriel Attal en écarte l’idée, estimant qu’il ne serait nécessaire que si des mesures fiscales devaient être prises.

Un mois a passé et la situation est encore pire. Ce mardi, le président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, donne un coup de semonce. Dans Les Echos, il prévient que “des efforts d’économie sans précédent dans l’histoire récente sont nécessaires”. Les comptes sont dans le rouge.

Au gouvernement, il y en a au moins un qui a apprécié l’interview choc de Moscovici. Bruno Le Maire le sait, il est dans la ligne de mire car il ne cesse de tirer la sonnette d’alarme. Lui estime que “le quinquennat est à la croisée des chemins” et que plane la menace d’un retour en arrière. Or après sept années passées au ministère de l’Economie et des Finances, il ne veut pas voir son bilan entaché par des chiffres dévastateurs. Dans quinze jours, l’Insee donnera l’ampleur exact du déficit public, et ce ne sera pas joli à voir. Juste avant les élections européennes, la note de la France sera sans doute dégradée par les agences, on ne croit plus aux miracles à Bercy. “On va en prendre plein la figure sur le thème “on nous avait dit que Macron était le Mozart de la finance”, anticipe un député. Il y a péril en la demeure. Mais l’approche du scrutin comme la perspective des Jeux olympiques n’incitent pas à ranger le carnet de chèques.

Alors, avec ses collaborateurs, le ministre de l’Economie et des finances joue les provocateurs. Réduire les déficits ? “C’est le sujet le plus simple que j’ai à traiter, c’est une question de volonté et de choix.” L’Etat perçoit moins de recettes ? Il doit donc dépenser moins. Transports médicaux, compte personnel de formation, affections de longue durée : les autres membres du gouvernement tordent du nez, lui n’a pas la bouche en cœur. “Un seul s’est présenté devant 8 millions de téléspectateurs au 20 Heures de TF1 pour leur annoncer la hausse des prix de l’électricité, quand tous les autres se sont planqués : c’est lui”, souligne un proche de Bruno Le Maire. Le message est simple : les accros à la dépense publique, ce sont les autres, lui veut incarner le courage. Les autres, tous les autres ? “A la fin, Emmanuel Macron préférera ne pas faire beaucoup d’économies”, devine l’un de ses anciens ministres qui le connaît par cœur.

Un livre à paraître avant les européennes

La majorité commence à tanguer, qui reproche à Bruno Le Maire de couper dans les dépenses environnementales (la fameuse MaPrimRenov) et d’avoir été insincère ou trop optimiste dans ses prévisions de croissance. L’autre jour, quand le ministre a repris toutes ses déclarations devant le groupe Renaissance à l’Assemblée, un député a immédiatement noté : “Il prépare son parachute en cas de pépin. Il ne veut ni être celui qui prend le mur en pleine figure, ni être celui à qui l’on reproche de ne pas avoir alerté.” Un autre élu ne cache pas ses craintes, à force d’entendre parler des économies à faire : “Il ne faudra pas s’étonner qu’on se fasse attaquer sur le thème : le gouvernement prépare un plan d’austérité pour le lendemain des européennes. Il est même curieux que le RN ne soit pas plus offensif sur le sujet.”

Gérald Darmanin n’est pas le dernier à faire entendre sa petite musique avec son concept de partage. “A partager la misère, on aura la misère pour tout le monde”, rétorque un partisan de Bruno Le Maire. C’est dire si les prochains débats s’annoncent houleux. Forcément une hausse de la fiscalité sera de nouveau avancée par certains, Bruno Le Maire en fera un casus belli – est-il certain de gagner le combat ?

Alors, histoire de prendre date, il multiplie les offensives. Le 19 mars, il sera à Berlin et prendra la parole juste après le chancelier allemand Olaf Scholz pour développer la stratégie économique que l’Europe doit à tout prix mettre en œuvre selon lui, sous peine de perdre pied complètement dans la compétition internationale et de connaître une humiliante relégation. Ce sera sa manière de participer pleinement à la campagne pour les élections européennes.

Il devrait ensuite publier, avant le 9 juin, un livre : tenir un discours vrai plutôt que chercher à amadouer les gens, c’est ainsi qu’il veut que les Français le voient. Il vantera l’Etat protecteur plutôt que l’Etat providence, qui laisse penser que la gratuité de tout pour tous est un horizon. Pensera la France à trente ans, lui qui est entré en politique il y a 22 ans et a participé à près de 700 conseils des ministres. Bruno Le Maire campe son personnage. C’est ainsi qu’il a décidé d’installer sa candidature dans le paysage de 2027.

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